Le Professeur Lescure, infectiologue à l’hôpital Bichat, évoquait le 24 janvier dernier sur France Inter que nous étions, avec cette pandémie du Covid, confrontés à des « choix très difficiles » et qu’il fallait admettre qu’au-delà de 80 ans, les années de vie supplémentaires devaient être considérées comme du « bonus », déclaration venant à l’appui de sa proposition de ne pas envisager un troisième confinement qui serait comme une nouvelle « soumission au virus », mais au contraire libérer les gens pour qu’ils puissent recommencer à vivre plus normalement, en maintenant certes des contraintes car le virus est installé pour longtemps, mais moins délétères pour la vie sociale, la culture, l’enseignement et l’économie que les restrictions de liberté associées au couvre-feu ou à l’obligation de ne sortir de chez soi que pour aller travailler et pour effectuer des achats essentiels.

Je saisis au vol cette intervention, non pas pour engager une polémique avec ce professeur de médecine, mais pour ouvrir un débat d’ordre éthique et déontologique à propos de ce que j’appellerai le « prix de la vie ». Avant d’aborder cette question des « choix très difficiles », je voudrais rappeler ici les principes fondamentaux sur lesquels s’appuie notre médecine en citant les passages suivants du serment d’Hippocrate dans sa version française revue par l’Ordre des médecins en 2012 :

“Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité.
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux.
Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité.

Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément. »

Ajoutons qu’est annexée au texte de déontologie médicale la Déclaration de Genève ou Serment du médecin. Adoptée par l’assemblée générale de l’Association médicale mondiale en 1948, cette déclaration a fait l’objet de plusieurs révisions, la dernière datant d’octobre 2017. En voici un extrait pertinent pour aborder le débat sur les « choix très difficiles » :

« JE VEILLERAI au respect absolu de la vie humaine ;
   JE NE PERMETTRAI PAS que des considérations d’âge, de maladie ou d’infirmité, de croyance, d’origine ethnique, de genre, de nationalité, d’affiliation politique, de race, d’orientation sexuelle, de statut social ou tout autre facteur s’interposent entre mon devoir et mon patient ; »

Ayant présents à l’esprit ces éléments fondamentaux de déontologie médicale, nous devons d’abord les considérer comme incontournables, même s’ils n’ont pas force de loi : le fait pour un médecin d’avoir promis et juré fidélité aux « lois » de l’honneur et de la probité et à toutes les dispositions sous-jacentes est en soi un engagement plus contraignant que le respect d’une loi ordinaire imposée par la puissance publique, car un tel engagement est de nature éminemment morale alors que le non-respect d’une loi ordinaire peut être, certes condamnable dans le cas général, mais aussi respectable dès lors que l’on estime qu’elle contrevient précisément à des principes éthiques et moraux du fait de son caractère éventuellement discriminatoire, injuste, liberticide, écocide, etc.

Apparaît toutefois une sérieuse complication pour le médecin confronté à un manque de moyens pour assurer la prise en charge d’un patient, ce qui lui interdit, à son corps défendant, de tenir le serment qu’il a prononcé. Ce médecin ne saurait être blâmé pour cette infidélité forcée à ses engagements et due à des conditions inadaptées à l’exercice de sa profession, mais qui s’imposent à lui. Il faut donc se tourner vers les responsables ou les autorités chargés de pourvoir à ces moyens, tant humains que matériels. Il va de soi que dans des pays pauvres aux moyens faméliques dans le secteur de la santé, comme dans beaucoup d’autres secteurs, un médecin sera très souvent confronté à ces « choix très difficiles » dont parlait le Professeur Lescure ; mais plutôt que d’incriminer qui que ce soit dans de telles circonstances, mieux vaudrait pour les pays riches porter aide et assistance à ces pays démunis.

En revanche, lors de l’irruption de la pandémie du Covid-19, était-il acceptable que des moyens aussi essentiels que lits d’hôpitaux, masques chirurgicaux, sur-blouses, respirateurs et autres équipements médicaux ou médicaments aient à ce point manqué dans nos services de santé, tandis que de semblables déficits en moyens humains apparaissaient également au grand jour chez les personnels soignants ? Est-ce en effet acceptable dans un pays riche, et même très riche qui, en 2018, avec 54 milliardaires, soit 5 de plus qu’en 2017, se plaçait au 11ème rang mondial, tandis qu’il était encore la 6ème économie pour son PIB ? Comment peut-on alors concevoir qu’un tel pays, et bien d’autres tout aussi développés, puissent encore se trouver contraints à des « choix très difficiles », fut-ce dans le contexte d’une pandémie, lorsqu’il s’agit de prendre en charge des patients ? Nos sociétés développées se veulent championnes de la protection de leurs ressortissants dans bien des domaines avec alarmes, antivols, digicodes, mots de passe, assurances, lois et règlements à l’infini pour se prémunir de la malveillance des autres ou des effets d’évènements exceptionnels et souvent improbables ; et pour tout cela, nous sommes prêts à dépenser beaucoup d’argent ! Alors pourquoi faudrait-il se rationner et ne pas envisager, au-delà des besoins habituels et évolutifs de notre système de santé, de se doter de moyens propres à faire face à l’imprévisible ? Dans toute organisation ou tout système complexe la prudence impose par exemple de mettre en place des systèmes de gestion de la sécurité : on pourrait citer le transport aérien, l’énergie nucléaire parmi les secteurs de haute technologie qui intègrent des redondances ou des plans d’urgence afin de garantir un haut niveau de sécurité ou de faire face à des évènements exceptionnels.

Un système de santé devrait plus que tout autre adopter et mettre en œuvre une approche de gestion de la sécurité puisque la sauvegarde des vies humaines est sa vocation première. Il y a bien sûr des mesures particulières qui ont été envisagées telles que le « Plan blanc » mis en œuvre dans le cas de la pandémie du Covid-19, mais un tel plan semble surtout destiné à gérer la pénurie avec la déprogrammation de certaines opérations ou le rappel en renfort de personnels pendant leurs périodes de repos. S’il a au moins le mérite d’exister, un tel plan ne peut en revanche qu’être difficile à mettre en œuvre, puisqu’en régime de croisière l’hôpital est déjà en tension du fait de la politique de sous-investissements humains et matériels menée depuis plusieurs décennies. Bien sûr, toutes les éventualités ne peuvent être anticipées, ni contrées, car cela mobiliserait de coûteuses ressources qui auraient trop peu de chances d’être utilisées. Néanmoins, force est de reconnaître que la probabilité d’occurrence d’une pandémie est élevée compte tenu des expériences du passé et de la facilité avec laquelle la contagion peut se transmettre dans un monde globalisé dont les cieux et les océans sont sillonnés en permanence par des dizaines de milliers d’avions de ligne et de navires de commerce et qui pratique l’élevage intensif d’animaux pour la consommation humaine. Se doter d’un système de santé robuste et de plans d’urgence sanitaire prêts à être déployés pour affronter un certain nombre d’impondérables devrait largement éviter d’avoir à faire ces « choix très difficiles » dus au manque de ressources et d’anticipation.

Cela étant dit, l’intervention du Professeur Lescure et le Serment du médecin appellent des réflexions plus fondamentales sur les critères à prendre en compte lorsqu’il n’y a plus d’autre solution que de se soumettre à ces « choix très difficiles » et qu’un médecin est conduit, par des circonstances qui le dépassent, à devoir établir des priorités dans la prise en charge de ses patients. Rappelons que le médecin ne peut accepter que s’interpose entre son devoir et son patient des considérations d’âge, de maladie ou d’infirmité, de croyance, d’origine ethnique, de genre, de nationalité, d’affiliation politique, de race, d’orientation sexuelle, de statut social ou de tout autre facteur ». Autrement dit, il ne lui reste quasiment rien qui lui permette d’échapper à son serment, ce qui le met dans une situation d’aporie dès lors que les conditions d’exercice de sa profession l’empêchent de respecter les engagements moraux qu’il a pris vis-à-vis de ses patients. Par conséquent, c’est aux comptables de cette situation sans issue pour le médecin, car liée à un manque de moyens, que doit incomber la responsabilité de ces « choix très difficiles » vis-à-vis de telle ou telle catégorie de patients.

Or qu’observe-t-on du côté des responsables politiques qui sont confrontés à ces choix humainement scabreux pour ne pas avoir prévu les situations de crise, autrement dit du fait de leur inaptitude à gouverner ? D’abord de la duplicité : d’un côté, ils délivrent invariablement et sans discontinuer le message selon lequel il faut protéger les plus fragiles contre la contamination du Covid, autrement dit essentiellement les personnes âgées ; de l’autre, certaines de ces personnes âgées, qui se trouvaient notamment en EHPAD, n’auraient pas eu la possibilité de se faire prendre en charge à l’hôpital et seraient décédées sans autre soins que d’ordre palliatif du fait de la saturation des services hospitaliers. Les gouvernements – et pas seulement le gouvernement français – tentent donc de préserver nos anciens en imposant des mesures de confinement, de couvre-feu, de distanciation physique, etc. qui induisent des dépenses astronomiques à court et à moyen terme. Mais si ces gouvernements successifs avaient dans le passé engagé des dépenses bien inférieures aux pertes d’aujourd’hui pour renforcer les moyens hospitaliers, alors certains patients n’auraient pas été privés de ce « bonus » d’années de vie, que ce soit parmi les plus de 80 ans ou parmi des personnes moins âgées. Il est compréhensible que des patients aient été mis en sédation profonde pour leur éviter les souffrances de la mort en état de détresse respiratoire, mais des témoignages laissent entendre qu’il s’agissait parfois d’euthanasies passives dans les EHPAD ou chez des particuliers devant l’impossibilité de prise en charge de certains patients par les hôpitaux. Il faudrait aussi se pencher sur le sort des patients atteints d’autres pathologies et dont le report des soins aura compromis leurs chances de guérison ou abrégé leur espérance de vie. Lorsque cette crise sanitaire aura pris fin, peut-être pourra-t-on en établir un bilan complet et objectif, débarrassé de toute arrière-pensée politique et de la fourberie des communicants…     

Loin de moi l’idée que les médecins seraient contraints à l’acharnement thérapeutique par le serment d’Hippocrate ; il est en effet des situations, avec ou sans Covid, où la question de la poursuite de soins douloureux pour le patient, accessoirement très coûteux pour la société, n’est plus pertinente et qu’il est préférable de tout mettre en œuvre pour assurer à ce patient une fin de vie aussi digne et aussi paisible que possible. Mais ce choix pris de concert entre le patient, s’il est en état d’y prendre part, sa famille proche et le corps médical ne devrait jamais dépendre d’un manque de moyens consécutif à des choix politiques fondés sur des critères purement économiques et comptables qui installent la pénurie au sein des services de santé. Une fois de plus, il faut bien admettre que ce raisonnement ne peut tenir dans des pays où la pénurie règne dans la plupart des domaines du fait de l’état de pauvreté générale, bien que nous ayons au moins un exemple de pays pauvre où le système de santé est doté de moyens remarquables : il s’agit de Cuba dont le PIB par habitant n’était pourtant que de 8433 USD en 2017, à comparer aux 38415 USD de la France.

Arrivé à ce stade de la réflexion, revenons sur le problème fondamental du prix de la vie. Puisque l’incurie de nos dirigeants confronte parfois les médecins à ces choix douloureux, alors sur quels critères s’appuyer ?

Pour guider cette réflexion, plaçons-nous dans la situation d’un navire qui va sombrer et sur lequel les moyens de secours et les procédures de sauvetage se sont révélés inadaptés, le naufrage s’étant lui-même produit suite à des décisions inconséquentes du commandant. L’exemple du Titanic est connu de tous. Au plan des équipements de ce navire, rappelons que le nombre et la capacité des canots de sauvetage ne permettaient pas d’évacuer la totalité des passagers et membres d’équipage, situation qui était encore très fréquente au début du XXème siècle. Dans ces conditions, à partir du moment où la rencontre du navire avec l’iceberg allait provoquer son naufrage, il fallait bien faire des « choix difficiles » : quelles étaient les vies qui seraient sacrifiées et lesquelles tenterait-on de sauver ? Eh ! bien, comme pour le Covid, ce sont les êtres humains considérés comme les plus fragiles qui auront la priorité pour embarquer sur les chaloupes, mais là, ce seront les femmes et les enfants, pratique fondée sur l’importance que l’on accorde généralement à ces deux catégories pour la survie de l’espèce. Cette règle n’a pas toujours donné les résultats escomptés, mais elle fonctionna pour le Titanic : la proportion de femmes et d’enfants sauvés fut supérieure à celle des hommes. Notons au passage, et personne ne s’en étonnera, que la proportion de pertes humaines dans cette catastrophe a été nettement plus importante chez les passagers de troisième classe que pour ceux des classes supérieures. En ce qui concerne le comportement du commandant, nous savons qu’il avait reçu des messages d’autres navires l’avertissant de la présence de nombreux icebergs dans le secteur de Terre-Neuve ; pourtant, la décision avait été prise de maintenir une vitesse élevée pour tenter de battre le record de la traversée de l’Atlantique nord à l’occasion de ce voyage inaugural en avril 1912 du tout nouveau géant des mers, réputé par ailleurs insubmersible… Mais la compagnie White Star Line qui espérait tirer profit d’un tel record pour son image a subi au contraire un désastreux effet boomerang avec ce naufrage et ses quelque 1500 victimes.   

Cet exemple montre parmi bien d’autres que des circonstances exceptionnelles, de mauvaises décisions ou encore des négligences, peuvent conduire, ici dans la marine, mais aussi dans les systèmes de santé comme nous l’avons vu, à se poser une question qui, dans l’absolu, est totalement indécente : peut-on définir une hiérarchie dans un groupe d’êtres humains qui conduise à accorder à la vie une valeur différente aux uns ou aux autres selon des critères de classement tout aussi indécents et humainement inacceptables que la question elle-même ?

Certains répondent « oui » alors que la morale la plus élémentaire devrait nous faire dire « non » dès lors que le respect absolu de la vie humaine conduit à poser que toutes les vies se valent. Mais les tenants du « oui » pensent au contraire que dans notre société matérialiste, il faut accepter de donner un prix à la vie humaine selon l’utilité de chacun. C’est ainsi que l’on a pu entendre un député dire à propos des personnes âgées sur une radio il y a quelques jours, que ces « gens sont peut-être inutiles socialement » ; comprenons au passage, mais cela va sans dire, qu’elles représentent en plus une charge pour la société. Ce personnage, dont le propos était plus qu’inquiétant venant d’un élu, a pourtant semblé voir les conséquences de son énormité, puisqu’il a lui-même fait allusion à son âge, mais a sans aucun doute considéré in petto qu’il bénéficiait de ce prudent « peut-être » et échappait donc à l’infamie d’être socialement « inutile ». Il est tout aussi déconcertant de noter que ni l’animateur de cette émission, ni aucun des autres participants, n’ont jugé bon de reprendre l’élu sur l’incongruité de son point de vue et n’ont noté que serait également concernée cette part de la population qui s’appelle jeunesse et dont on pourrait croire qu’elle est tout aussi inutile, et également une tout aussi lourde charge pour la société, tant que diplômes, qualifications et autres savoir-faire ne sont pas obtenus pour permettre à leurs détenteurs d’entrer dans la vie dite « active » où, produisant enfin de la richesse, ils deviendront « utiles » à la société. Au fond, il n’y aurait que le gros tiers productif de la société qui serait socialement utile si l’on extrapole un tant soit peu le discours de cet élu ; à condition toutefois de ne pas faire partie des chômeurs !

Tout cela n’a évidemment aucun sens.

La société se partage effectivement en trois parties qui correspondent à trois phases de la vie : la jeunesse qui apprend, les adultes qui sont en emploi et ceux plus âgés qui vivent du versement de revenus de pension ou de rentes. Le groupe de ceux qui sont en apprentissage représente le potentiel humain destiné à apporter progressivement de nouveaux effectifs au   deuxième groupe, encore le plus nombreux de la population et qui produit l’essentiel de la richesse, mais qui va à son tour fournir peu à peu les effectifs du troisième groupe, celui de ceux dont l’activité n’est plus soumise à des contraintes temporelles fortes, telles que le respect d’horaires de travail, et qui peut au contraire organiser son temps et ses activités avec une grande liberté.

Les individus de ce troisième groupe sont-ils « socialement inutiles » ? Affirmons tout d’abord que s’ils l’étaient vraiment d’un point de vue comptable et matérialiste en n’apportant plus aucun supplément de richesse à la société, cela ne changerait rien au respect qui leur est dû : si ces personnes apprécient l’oisiveté, alors qu’elles en profitent en paix car au cours de leur vie professionnelle elles ont apporté leur concours au développement de la société tout en réservant une fraction de leurs revenus d’activité afin d’en disposer librement au cours du troisième temps de leur vie. Mais en réalité, le rôle social de ces personnes prend des formes si nombreuses que l’on ne peut les citer toutes ! Au sein des familles tout d’abord, le rôle des grands parents est souvent appréciable pour aider les parents qui sont en emploi à s’occuper de leurs enfants scolarisés ; au sein des associations – en ces temps de pandémie plus que jamais pour l’aide au plus démunis – le rôle des retraités est souvent irremplaçable ; l’élu que cet article tacle gentiment montre par ailleurs que le rôle des « seniors » en politique reste déterminant ; mais il l’est aussi dans le domaine des arts et des spectacles ; enfin, les personnes du « troisième âge » sont aussi des consommateurs de culture, de voyages et de toutes sortes de choses qui génèrent de l’activité chez ceux qui sont encore en emploi.

*

Il est temps de conclure sur cet exposé, au moins provisoirement, et personne ne se plaindra que je le fasse en présentant une rapide synthèse des étapes de ma réflexion. Je n’ai pas discuté le terme « bonus » utilisé par le Professeur Lescure, mais j’y reviendrai dans une prochaine chronique !  

Rappelons-nous d’abord le sujet posé sous la forme de cette première question : la vie a-t-elle un prix ? Si oui, ce prix varie-t-il en fonction de paramètres tel que l’âge ou l’utilité sociale des individus considérés ? Par conséquent, doit-on considérer qu’étant inégaux à l’aune de tels critères, les moyens à mettre en œuvre pour prodiguer des soins de santé peuvent être proportionnés au prix que l’on aurait ainsi attribué à chaque vie ?

Les réponses à ces questions sont toutes négatives : la vie n’a pas de prix, toutes les vies sont d’égale importance et la prise en compte de l’âge ou de « l’utilité sociale » d’un individu est particulièrement déplacée lorsqu’il s’agit de lui éviter une mort prématurée. Devant cette évidence, le Serment du médecin énumère en toute logique un vaste ensemble de considérations qui ne sauraient s’interposer entre le devoir du médecin et son patient.

Le médecin peut-il être pour autant confronté à des « choix très difficiles » dans sa manière de prendre en charge un patient ? La réponse est « oui », mais pour des raisons purement médicales ; en revanche, de tels choix ne sauraient lui être imputés s’ils sont rendus inévitables suite à un manque de moyens résultant lui-même de l’impéritie de ceux qui sont en charge de gérer les services de santé et qui doivent alors endosser la responsabilité de leurs décisions quand elles ont conduit à des pertes prématurées de vies humaines.

Bertrand