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Sommes-nous « chez nous » ?

Sommes-nous « chez nous » ?

Un ami qui a vécu comme moi en Nouvelle-Calédonie me fait passer ce message qui incite à certaines réflexions.

Un vieux Kanak m’a dit un jour :

« C’est la terre de nos ancêtres, oui… Il y a une histoire, il y a un vécu.

Mais comme dans toute histoire, il y a un début et il y a une fin.

Avant que l’on soit Kanaks, nous étions ce que le passé nous prouve : des peuples nomades, nos ancêtres sont arrivés sur cette terre et se sont installés par la suite.

En quoi moi, vieux Kanak descendant d’un peuple qui est arrivé dans un passé lointain, j’aurais plus de droits que ceux qui arrivent aujourd’hui ? Ce n’est pas une course au premier arrivé !

L’arrivée des Blancs, Javanais, Wallisiens, Chinois, etc. ne veut pas dire que l’histoire se termine. Elle se construit AVEC les autres.

Il ne faut pas voir la personne différente comme une menace ! mais comme un voyageur qui a besoin d’un toit à qui tu offres un bol de thé pour qu’il ne prenne pas froid (…)

Le racisme, c’est par peur de l’autre, la peur du changement. Mais la montre tourne, le temps passe et qu’on le veuille ou non, les choses changent pour le bien de tous, le bien de chacun.

C’est pour ça que dans le passé, il y a eu des guerres puis des révoltes : on avait peur que le changement joue sur nos manières de vivre !

Mais maintenant voilà, les jeunes s’entêtent à être violents car ils ont peur que leur paradis, leur terre soit volée.

Mais moi, mon fils est en France, il vit là-bas, il a sa vie là-bas et il vit bien. A-t-il volé ces terres ? A-t-il tué, violenté ou volé pour les acquérir ? Non, il a travaillé !

Et il m’a dit qu’il restait là-bas parce qu’il est dégoûté de ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie !

Je finirai par une vérité qui nous touche tous.

Nous ne vivons sur terre qu’une fois.

Alors pourquoi passer sa vie à haïr et mourir avec le cœur sec plutôt que vivre pleinement et s’endormir la tête pleine de bons moments ? »

Ce texte, je ne suis pas sûr qu’il soit authentique. Il évoque tant de questions fondamentales qu’il faudrait plusieurs ouvrages pour y répondre de manière précise et approfondie. Il est toutefois possible de faire quelques remarques très préliminaires sur les différentes propositions de son auteur présumé.

La première remarque que l’on peut faire au bout de sa lecture, c’est qu’au fond, ce Kanak reconnaît le fait colonial comme un élément normal de l’Histoire et que le peuple kanak doit en accepter les conséquences ; dès lors, toute nécessité de s’opposer à cette situation par quelque manière que ce soit, surtout par la violence, devient inutile et même néfaste.

Cette position est peut-être d’une grande sagesse dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, mais elle ne saurait être généralisée : il y a aujourd’hui dans le monde des peuples opprimés dont le combat est légitime, que ce soit celui des Palestiniens, des Ouïghours, des aborigènes d’Australie ou de l’Amazonie, et de tous les peuples des « Premières Nations » sur lesquels les Européens ont commis les plus atroces génocides qu’ait connus l’humanité.

Ayons donc la lucidité de reconnaître que les « voyageurs » dont il est question dans ce texte n’étaient pas tout à fait des « bisounours » et ont rarement, pour ne pas dire jamais, abordé de nouveaux rivages et de nouvelles frontières où vivaient déjà d’autres humains, animés d’intentions pacifiques et n’envisageant rien d’autre que de respecter ceux qui leur auraient souhaité la bienvenue avec ce « bol de thé » (je note qu’un Kanak aurait plus volontiers offert un bol de kawa !). Bien au contraire, ces nouveaux arrivants étaient animés d’idées de conquêtes et de domination, sans aucune intention de laisser en paix ceux qui étaient déjà là, prêts à les éliminer totalement au cas où ils leur opposeraient de la résistance ; de fait, de tels « visiteurs » ont toujours eu cela de particulier que ce sont des envahisseurs.

Bien sûr, il n’est plus aujourd’hui envisageable de chasser tous les Européens dont les ancêtres ont pris possession des Amériques ou de l’Australie en éliminant purement et simplement la plus grande partie des premiers occupants. En revanche, il y a des combats qui ne sont pas encore totalement perdus contre les oppresseurs de ce siècle et bien des « guerres et des révoltes » du passé restent d’actualité dans diverses régions du monde. Et ces combats ne sont pas seulement menés par crainte des peuples opprimés de perdre leurs « manières de vivre », mais plus encore de perdre leur liberté, le respect qui leur est dû, et enfin la vie.

La situation de la Nouvelle-Calédonie est-elle différente des exemples qui viennent d’être cités ? Sans trop d’hésitation, je crois que l’on peut répondre « oui ». D’abord parce que les colons français ne se sont pas livrés à un génocide des Kanaks comme l’ont fait les autres colons européens du Royaume-Uni, d’Espagne et du Portugal. Ensuite parce que ce peuple a fini par obtenir des droits identiques à ceux des ressortissants du pays colonisateur tout en conservant ses règles coutumières. Ajoutons encore que leur territoire bénéficie d’une large autonomie en termes de protection sociale, de fiscalité, d’aménagement du territoire et d’éducation. Au total, bien que le mode de vie de nombreux Kanaks reste éloigné du mode de vie occidental, ceux-ci bénéficient d’un niveau de vie très supérieur à celui de citoyens de pays insulaires voisins ayant accédé à l’indépendance comme le Vanuatu.

La dernière remarque concerne cette idée ancienne chère à Jean-Jacques Rousseau, à savoir que la terre appartient à celui qui la fait fructifier. Rousseau y met toutefois un bémol : cette façon de s’approprier une terre ne doit porter préjudice à personne ; en particulier, il n’est pas envisageable de s’approprier une terre déjà cultivée ou utilisée de quelque façon que ce soit par quelqu’un d’autre ! « Personne ne touche au jardin de son voisin : chacun respecte le travail des autres afin que le sien soit en sûreté » (l’Émile). Ainsi, parlant de son fils, ce Kanak ne dit rien d’autre que Jean-Jacques par ce commentaire « A-t-il volé ces terres ? A-t-il tué, violenté ou volé pour les acquérir ? Non, il a travaillé ! ».

Je terminerai en rappelant que l’essai auquel est consacré ce blog rappelle que la violence de la colonisation, là où elle a disparu dans sa forme traditionnelle, est souvent remplacée de nos jours par « La violence des grandes multinationales (qui) se manifeste également à l’égard des populations indigènes lorsque celles-ci sont expropriées et chassées de leurs terres pour y implanter des activités telles que l’extraction d’hydrocarbures ou de minerais, par l’élimination de la forêt et la culture de plantes fournissant des agrocarburants (canne à sucre, palmiers à huile) ou par la construction de grands barrages » (chapitre V, p. 328/329).

Bertrand

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Une lectrice assidue de ce blog me demandait il y a quelques jours pourquoi je n’avais pas posté de billets depuis plus d’un mois et demi. Je me dois donc de fournir quelques explications.

Tout d’abord, je suis parti en vacances pendant plus de deux semaines. Pendant cette période de repos et de détente j’ai donné la priorité à la lecture plutôt qu’à l’écriture. J’espère que personne ne m’en voudra. Après tout, je ne suis pas un éditorialiste ou un chroniqueur qui se serait engagé à fournir chaque semaine, et même plusieurs fois par semaine, des analyses, commentaires et autres réflexions inspirés par l’actualité.  

Mais ce n’est pas là la raison principale de mon absence provisoire du blog.

Elle tient précisément à mon activité qui a été plus intense que de coutume dans l’écriture de ces billets au cours des premiers mois de l’année 2020. Comme vous l’aurez constaté, le séisme que le coronavirus a provoqué dans la vie privée des gens et dans les sphères économique, sociale et culturelle a été pour moi l’occasion de montrer à quel point l’essai que j’ai publié en octobre 2017 faisait écho aux questionnements qui ont surgi de toute part à propos des conséquences de la mondialisation, de nos systèmes de production, de l’organisation de nos territoires et de nos modes de vie.

Cette situation était source de frustrations car il faut bien reconnaître, qu’étant depuis plus de deux ans resté « sous les radars » des médias, mon essai n’a pu à ce jour trouver un lectorat significatif. Dommage car son contenu adresse précisément les grandes questions du monde actuel avec l’objectif d’amener les lecteurs à une meilleure compréhension de ce monde et à entrevoir le monde nouveau que tente de dessiner le dernier chapitre du livre.

Tout en faisant cet amer constat, je réalisai que le blog contenait un nombre appréciable de pages d’écriture, soit du fait des commentaires de lecteurs de NÉMÉSIS, soit du fait de mes commentaires post-signatures ou post-salons littéraires, soit encore – et surtout – du fait des nombreux billets qui s’étaient accumulés au fil des mois.

Fin mai, il m’est alors venu cette idée étrange d’effectuer une compilation de tous ces textes et de les organiser en plusieurs chapitres en vue de les publier ! J’ai adressé ce nouveau manuscrit directement à mon éditrice chez Amalthée début juin, me demandant quel accueil serait réservé à ce projet inhabituel de publier un livre sans prétention qui évoque avec insistance un autre livre beaucoup plus ambitieux qui se positionnait déjà comme un ouvrage atypique par les analyses et les propositions qu’il présente.    

Fin juin, j’ai une nouvelle fois pu apprécier l’esprit très ouvert de mon éditrice puisqu’elle acceptait de publier ce manuscrit si particulier. J’avais dès le début envisagé un titre évoquant clairement cette particularité : Autour d’un livre, et pour inviter du même coup le lecteur à se plonger dans le plat de résistance de l’essai, j’y ai ajouté ce sous-titre : Bienvenue chez NÉMÉSIS. Naturellement, ne surtout pas croire que ce nouveau livre n’est destiné qu’à la promotion de son grand frère ; de fait, son contenu est totalement nouveau puisqu’il comporte pour l’essentiel de nouvelles réflexions tenant compte de l’actualité de ces deux dernières années. Tous les lecteurs du blog pourront le confirmer.

Interrogation légitime de ces lecteurs : quel intérêt auraient-ils à acheter ce nouveau livre ? D’abord l’intérêt d’avoir une compilation imprimée, plus simple et plus facile à lire ou relire ; ensuite, de découvrir certains ajouts qui ne se trouvent pas dans le blog. Enfin de pouvoir prêter ce livre qui ne coûtera que 10 € à des connaissances pour leur donner envie de lire l’essai publié en 2017.

Autour d’un livre sortira en octobre prochain. La date précise vous sera donnée ultérieurement sur le blog.

Je ne veux pas garantir que je continuerai à publier régulièrement des billets, ayant décidé de reprendre la rédaction d’un nouvel essai commencée depuis plus d’un an…

J’en profite pour rappeler que le 32ème Salon du Livre de Cosne-sur-Loire est à ce jour maintenu aux nouvelles dates des 18, 19 et 20 septembre. J’espère avoir le plaisir de vous y rencontrer très nombreux.  

Horaires d’ouverture : le vendredi de 16h à 19h30, le samedi de 9h30 à 12h et de 14h30 à 19h, le dimanche de 9h30 à 12h et de 14h30 à 18h30.

Tarifs d’entrée : 3€, gratuit jusqu’à 18 ans.

A bientôt,

Bertrand