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Sous la courbe en cloche (Partie III et fin)

Sous la courbe en cloche (Partie III et fin)

Troisième et dernière partie de cette série d’articles à lire bien sûr dans l’ordre!

Sous la courbe en cloche (Partie III et fin)

En se plaçant dans une perspective historique, nous pourrions affirmer cette évidence que les sociétés ont toujours été dirigées par une minorité qui se situait le plus souvent à l’extrémité obscure de la courbe en cloche. L’humanité des XXème et XXIème siècle n’a donc pas changé. En revanche, la technologie a fait des bons de géant : dans l’armement, cela a permis à quelques va-t-en-guerre de déclencher deux conflits mondiaux, le dernier s’étant clôturé par le feu d’artifice apocalyptique de deux explosions nucléaires ; quant aux performances de plus en plus époustouflantes des circuits électroniques utilisant l’effet transistor, elles ont également permis des explosions, a priori moins dangereuses que la bombe, dans les capacités de stockage et la rapidité de traitement de l’information, le débit des systèmes de communications à distance permettant de transmettre des volumes impressionnants de données, de sons et d’images, le tout avec des circuits de plus en plus miniaturisés et d’un coût accessible à une grande partie de la population. Enfin, la technologie spatiale a permis de mettre en orbite un nombre sans cesse croissant de satellites qui apportent une multitude de services : prévisions météorologiques, systèmes de navigation d’une précision inégalée, télécommunications, observation de la Terre, etc. 

Aux plus déterminés à conquérir fortune et pouvoir, ces progrès techniques stupéfiants ont donc fourni des outils d’une puissance longtemps inimaginable et leur ont permis de dominer le monde sans avoir à mobiliser le premier GI. Un temps porté par l’industrie cinématographique et Disney, le soft power de l’Empire étatsunien a donc vu sa puissance décuplée avec les TIC et une poignée d’individus déterminés à en exploiter toutes les ressources. Comptant sur la fascination de millions de consommateurs pour la technologie qui leur était proposée, l’introduction d’équipements et de logiciels applicatifs de plus en plus sophistiqués s’est faite en douceur, insidieusement. Les « bénéficiaires » et la société en général ont réalisé bien trop tard que ces nouvelles utilisations d’une technologie en progrès constant, imaginées et mises en œuvre par quelques inconnus, allaient imposer des changements profonds dans l’organisation de la société, affectant notamment les relations humaines en les dématérialisant à outrance, privant les citoyens des relations qu’ils avaient l’habitude d’entretenir avec des personnes bien réelles pour leurs démarches administratives, leurs achats ou leurs loisirs. L’accès à la culture utilise les mêmes procédures « distancielles » que pour commander et se faire livrer à domicile n’importe quel produit qui se trouve sur les étagères des entrepôts géants d’Amazon, tandis que les cinémas et les salles de spectacles se vident peu à peu. 

Ainsi, partout dans le monde, la société s’atomise chaque jour un peu plus par la volonté d’individus qui ne se soucieront jamais de démocratie tant que leur gouvernement les laissera entièrement libres de mener leurs affaires et n’imposera pas trop lourdement leurs profits astronomiques. Diviser pour régner ! Ou atomiser pour affaiblir ! De ce point de vue, les GAFAM auront rendu un sacré service aux dictateurs de la planète, mais aussi à des dirigeants démocratiquement élus qui ne souhaitent pas trop s’embarrasser de longs débats avec les représentants de la société civile, voire avec les représentants élus de la nation ! Quant aux réseaux sociaux, ils peuvent certes permettre de rassembler un million de personnes pour signer une pétition, mais combien seront-elles pour manifester dans la rue ? Or, malgré l’impact relatif que peuvent avoir les innombrables pétitions signées chaque jour qui passe, jamais elles n’intéresseront autant les médias et n’inquiéteront autant le pouvoir que des manifestations qui rassemblent des foules nombreuses ou se poursuivent pendant des mois comme ce fut le cas avec les Gilets jaunes. En France tout particulièrement, il va sans dire que la répression féroce des manifestations et la pandémie du coronavirus qui impose des semaines de confinement n’auront fait qu’amplifier cette tendance à l’isolement des individus. 

Chacun pour soi, chacun chez soi. De toute manière, c’est vrai, on marche sur la tête, mais qu’y pouvons-nous ? « Ils » ont le pouvoir. L’autre conséquence à laquelle a certainement contribué le succès des GAFAM aura été de multiplier le nombre d’« aquabonistes » sous la partie centrale de la courbe en cloche. Là se serrent des millions d’individus résignés qui ne participent même plus à cette action minimaliste de la vie publique qui consiste de temps en temps à aller glisser un bulletin de vote dans une urne. Voilà qui ne fait que renforcer la minorité dominante qui n’aurait plus besoin pour se maintenir au pouvoir que du soutien de ceux, minoritaires également, qui se situent du même côté obscur de la courbe en cloche. 

Mais me direz-vous encore, pourquoi ceux qui se situent du côté lumineux de cette courbe ne réussissent-ils pas également à conquérir le pouvoir et à s’y maintenir ? Émettons deux hypothèses. La première pourrait être qu’ils ont une plus faible propension à vouloir exercer toute forme de pouvoir. Ils veulent le bien de l’humanité, mais attendent que cette humanité, d’un même élan, s’empare du pouvoir pour combattre les inégalités et éradiquer la pauvreté, comme tenta de le faire la Commune en 1871 ; en somme que le peuple prenne le pouvoir pour le peuple puisqu’il est a priori le mieux placé pour décider de ce qui est bon ou mauvais pour lui. Mais l’autre raison pourrait être plus importante d’un point de vue pratique : les individus qui se trouvent dans cette queue de distribution n’ont pas non plus comme objectif de se constituer des fortunes extravagantes. De ce fait, ils se privent, si l’on peut dire, de moyens essentiels pour faire connaître et partager leur idéal aux indécis, aux résignés et à tous les « aquabonistes ».

Ces hypothèses conduisent à une contradiction : pour en sortir, il faudrait d’abord avoir été du côté obscur de la courbe et, ayant amassé de gigantesques fortunes au détriment des humains et de la nature, les utiliser ensuite pour promouvoir un projet de société qui s’opposerait justement à la possibilité de constituer indûment de telles fortunes… Autrement dit, les Bill Gates, Jeff Bezos, Mark Zuckerberg et consorts devraient basculer du jour au lendemain du côté lumineux de la courbe, rachetant par exemple les plus grands médias pour faire adhérer les populations non pas au dogme ultra libéral, mais à un nouveau projet de société dans lequel la respectabilité ne serait plus attachée à la fortune et au pouvoir personnel, mais à des vertus comme l’entraide, la compassion, le don de soi et le respect dû à chaque être humain, mais aussi à la vie en général ; en somme, un parcours personnel des plus improbables chez ces milliardaires et qui évoque plutôt celui du prince Siddhartha Gautama, plus connu sous le nom de Bouddha.

Nous voilà donc rendus, au terme de ces quelques épisodes de remue-méninges, à une situation plutôt désespérante : pour l’heure, ce sont les ultra riches qui détiennent le pouvoir dans toutes ses dimensions, celle d’organiser à leur main les chaînes de production afin de maximiser leurs profits, celle d’imposer à la planète les modes de consommation qui assurent une croissance permanente de leurs chiffres d’affaires, celle de soustraire une large part de leurs profits à l’impôt, celle de continuer à détruire notre environnement et enfin, mais ce n’est pas la moindre, celle de contrôler les esprits grâce à leur mainmise sur les grands médias… 

Pour terminer malgré tout cette longue analyse par une note d’espoir, posons que si nous sommes de plus en plus nombreux à avoir compris la nature et la difficulté du problème posé, alors nous aurons fait un premier pas dans la bonne direction, celle qui permettra de trouver le bon chemin pour remettre le monde à l’endroit. Qui n’a pas entendu un jour son prof de maths déclarer qu’un problème était résolu à 50% dès lors que l’on avait parfaitement compris son énoncé ?

Fin provisoire…

Bertrand Thébault

Sous la courbe en cloche (Partie II)

Sous la courbe en cloche (Partie II)

Il est indispensable d’avoir lu d’abord la partie I avant d’entamer cette lecture.

Sous la courbe en cloche (Partie II)

Tout le monde aura compris que l’objectif de ce discours est de souligner le fait incontestable que le destin des sociétés et du monde est entre les mains de ceux qui appartiennent aux « queues de distribution » de la courbe en cloche et que leur action peut refléter des comportements qui visent deux sortes d’objectifs antagoniques : agir pour le bien ou agir pour le mal. 

Autrement dit, la marche de l’humanité ressemble à la marche d’une armée : elle ne s’oriente ni ne se dirige selon des choix faits individuellement ; ses mouvements sont guidés par quelques-uns, parfois par un seul, et la multitude est entraînée, souvent à son corps défendant, vers un destin qui sera enviable ou désastreux. Mais me direz-vous, il y a des circonstances, dans les régimes les plus démocratiques, où c’est bien la majorité qui fixe les orientations de la société ! A y regarder de plus près, dans le passé comme en ce début de XXIème siècle, il est difficile de considérer que notre mode de vie et l’organisation de la société reflètent une volonté commune, y compris dans nos démocraties, tellement elles sont imparfaites. 

Prenons par exemple les choix de développement qui ont été faits dans le monde occidental, puis dans le monde entier, depuis la fin des années 70 : celui d’une économie mondialisée qui place le commerce et la finance au-dessus de toutes les autres priorités. Existe-t-il un seul gouvernement au monde qui ait consulté, après les avoir dûment informés, ses concitoyens sur la pertinence d’un tel choix ? A ma connaissance, aucun ! Pourtant, ce choix d’une économie ultra-libérale est extrêmement lourd de conséquences pour les habitants des pays développés, avec des délocalisations d’entreprises vers des pays-usines à bas coûts qui provoquent des licenciements massifs, la précarité de nombreux travailleurs confrontés à la concurrence de millions de chômeurs, une stagnation du pouvoir d’achat, des pertes de recettes fiscales qui creusent les déficits publics et conduisent à des mesures d’austérité affectant la disponibilité et la qualité des services publics, la dégradation de l’environnement et ses effets délétères sur la santé, etc. 

Nous pourrions prendre bien d’autres exemples aussi essentiels pour la sécurité et le bien-être des populations : quelles sources d’énergie, quelle agriculture, quel système de santé, quel aménagement du territoire, quelle politique de l’environnement, quelle fiscalité faudrait-il adopter ? A deux reprises en France, il y avait bien eu un semblant de volonté de consulter le peuple sur deux sujets majeurs : le projet de traité constitutionnel européen et l’appel à une Convention citoyenne sur le climat. Tout le monde connaît la suite : le « non » au projet de traité a été jeté au panier et les propositions de la CCC ont été presque toutes ignorées, preuves s’il en fallait du manque total de respect qu’ont de nombreux dirigeants à l’égard de leurs concitoyens. 

Les évolutions constatées au cours des dix dernières années ne vont pas dans le sens d’une amélioration de nos malheureuses démocraties, bien au contraire, puisque notre mode de vie d’aujourd’hui est sournoisement organisé par quelques individus. Ils se placent à l’extrémité de la courbe de Gauss et constituent la nomenklatura de ceux qui ont tout : le pouvoir et la fortune. Ils ont tout parce qu’ils représentent cette infime minorité dont l’avidité, l’égoïsme et le besoin de dominer sont dans les gènes. Dépourvus de compassion, même s’ils la simulent parfois – et ils se font alors appeler « milliardaires philanthropes ! » – ils ont réussi en exploitant les progrès de la technologie ainsi que les potentiels naturels et humains, tout en manœuvrant pour échapper à l’impôt, à se constituer des empires oligopolistiques qui s’étendent à tous les continents et s’insinuent profondément dans notre vie privée. 

J’ai bien sûr nommé les GAFAM. Nous devons prendre conscience de cette situation sans précédent dans l’histoire du monde : une poignée d’individus, tous étatsuniens, ont réussi avec la complicité de leur gouvernement, à nous faire adopter un mode de vie qui leur aura permis d’amasser en une ou deux décennies des fortunes inouïes et de détenir beaucoup plus de pouvoir que la plupart des gouvernements de la planète ! Désormais, personne ne saurait passer à travers les mailles de plus en plus serrées de cette immense toile qui enferme la population mondiale. Pourtant, comme dans bien d’autres domaines que nous avons cités, aucun dirigeant, quelle que soit son appartenance politique ou sa zone géographique, n’a vraiment cherché à freiner l’ascension fulgurante de ces quelques individus et encore moins à consulter sa population sur les dangers que tant de pouvoir concentré en si peu de mains pouvait représenter pour la démocratie et l’indépendance des peuples. Tout au plus pouvons-nous voir certains médias fournir quelques informations sur les performances commerciales et financières de ces géants à la croissance exponentielle, et évoquer de temps à autre des préoccupations sur notre totale dépendance à leurs prestations fondées sur les technologies de l’information et de la communication (TIC). Notons incidemment que la pandémie du coronavirus n’a fait qu’accélérer cette dépendance et permis du même coup à ces entreprises de se développer encore plus vite et d’accroître encore plus leur emprise sur les populations de la planète. 

(À suivre)

Bertrand

Sous la courbe en cloche (Partie I)

Sous la courbe en cloche (Partie I)

Les trois textes postés à quelques jours d’intervalle sur ce blog s’enchaînent et portent tous le même titre « Sous la courbe en cloche » ; ils sont donc à lire dans l’ordre : Partie I, Partie II et Partie III. Le graphique montré ici aidera ceux qui ne sont pas familiarisés avec la représentation d’une distribution « gaussienne » à la compréhension des développements qui vont suivre. Cette courbe représente les valeurs constatées dans la taille des Français, hommes et femmes confondus.

Prenez un groupe de quelques centaines d’individus, mettons des hommes d’âge adulte ; l’expérience donnerait un résultat similaire avec des femmes. Passez-les un à un sous la toise et portez chaque valeur relevée sur un graphique : l’axe horizontal des abscisses représentant l’échelle des tailles, à chaque mesure, vous mettez une croix au-dessus de la taille trouvée. Peu à peu, vous allez voir se dessiner un graphique dans lequel les tailles les plus souvent trouvées se situeront par exemple autour de 1,75m. Plus vous vous éloignerez de cette valeur, moins il y aura d’individus concernés : aux deux extrêmes, à gauche et à droite de 1,75 m, il y aura très peu d’individus parmi les plus petits ou parmi les plus grands. La forme de la courbe ainsi obtenue évoque celle d’une cloche. Cette répartition statistique se retrouverait de la même manière si on avait fait passer ce groupe d’hommes sur une balance : leurs poids se répartiraient également selon cette courbe en cloche que l’on appelle plus doctement courbe de Gauss, du nom du mathématicien, physicien et astronome allemand qui en a fourni l’équation.

Au-delà des mesures physiques que nous venons d’envisager – la taille et le poids – il serait également possible de faire ce genre d’expérience sur les performances intellectuelles d’un groupe de personnes, mais cette fois sans séparer les hommes et les femmes : la mesure de leur QI donnerait également une courbe en cloche avec des valeurs variant typiquement de 55 à 145, le plus grand nombre d’individus se situant autour de 100. Soulignons le fait que les résultats expérimentaux évoqués se présentent selon une distribution d’allure gaussienne, mais ne peuvent suivre la perfection de la courbe mathématique qui comporte un nombre infini de points alors que nos échantillons se limitent à quelques centaines ou quelques milliers de mesures. 

Ces résultats illustrent la diversité des caractéristiques physiques et intellectuelles des humains, mais aussi que la distribution statistique de ces paramètres révèle une donnée constante du vivant : chaque espèce se développe autour d’une moyenne avec une dispersion de valeurs bien représentée par une courbe de Gauss. C’est pourquoi on ne trouvera pas dans les résultats d’expériences comme celles suggérées ci-dessus, par exemple un grand nombre d’individus qui mesureraient 1,25m ou 1,95m et une minorité qui mesureraient 1,75m.

Dans ces conditions, ne serions-nous pas fondés à penser que les caractères psychologiques et moraux pourraient suivre une telle loi ? 

Nous savons, grâce au chercheur italien Giacomo Rizzalatti, que le cerveau possède dans sa zone frontale des neurones dits miroirs qui permettent de s’identifier à quelqu’un d’autre et de ressentir ce qu’il ressent, autrement dit qui sont le siège de l’empathie. Cette capacité à prendre conscience de ce que vit et ressent une autre personne n’est à l’évidence pas uniformément partagée et l’on pourrait supposer que la tendance des humains à éprouver de l’empathie suive également une loi de Gauss ; sur l’axe des abscisses, nous pourrions avoir des degrés d’empathie évoluant ainsi entre des valeurs très basses et des valeurs très élevées.

L’absence quasi complète d’empathie correspondrait à une incapacité à percevoir l’état psychique et physique d’autrui, autrement dit à l’apathie la plus totale, soit un niveau d’indifférence qui s’apparenterait à certains symptômes de l’autisme ; au contraire, une empathie très développée impliquerait une identification forte et spontanée à la situation d’une autre personne. Entre ces deux extrêmes, tous les degrés de l’empathie s’organiseraient autour d’une valeur centrale, sorte d’état moyen dans lequel, sans être absente, l’empathie n’est pas spontanée : un stimulus particulier pourrait l’éveiller, par exemple la présentation d’un reportage poignant sur les conditions de vie d’une population confrontée aux malheurs de la guerre. Mais cette activation de l’empathie retomberait assez vite car les individus concernés n’ont pas de propension particulière à diriger naturellement leurs pensées vers les problèmes des autres.

La situation se complique lorsqu’il faut envisager les comportements associés à ces divers niveaux d’empathie. 

Une empathie très développée ne s’accompagne pas forcément de compassion, bien que nous ayons tendance à associer les deux phénomènes : ainsi, le sadique trouve-t-il le plus grand plaisir à commettre des crimes parce qu’il a pris pleinement conscience des douleurs qu’il inflige à ses victimes ; tandis que l’être animé de compassion recevra comme une gratification morale le fait d’avoir réussi à soulager la souffrance qu’il a ressentie chez les autres. Selon les réactions qu’elle induit, une forte empathie pourrait donc être « négative » ou « positive ». 

Quant aux individus à l’empathie « moyenne », ils pourront présenter des comportements très variés : plus faciles à manipuler, ils pourront aussi bien être entraînés sur la pente obscure de la courbe en cloche que sur la pente lumineuse, les uns basculant dans la violence ordinaire, et les autres dans l’aide aux personnes en difficultés, mais dans l’un et l’autre cas, ils n’éprouveront pas d’émotions très marquées ; ce sont des gens qui ne veulent pas d’histoires, et pour éviter d’en avoir, ils se soumettront à l’autorité et feront ce qui leur est demandé avec plus ou moins de conviction.  

Ainsi, à l’indifférence totale jusqu’à l’empathie la plus profonde, nous pourrions associer des comportements minoritaires qui peuvent s’orienter spontanément vers le mal absolu ou vers le bien le plus édifiant, tandis que l’immense majorité glissera plus ou moins, selon les circonstances et le rôle exercé par la minorité la plus influente, soit vers le côté obscur, soit vers le côté lumineux de l’humanité. Là encore, nous pourrons sans aucun doute retrouver une distribution gaussienne de tous ces comportements, du plus odieux au plus admirable. L’Histoire nous montre cependant qu’en cas de crise majeure – guerre, révolution, famine… – la minorité « agissante » a su, plus souvent qu’il n’aurait fallu, entraîner une partie de la majorité « silencieuse » dans des aventures tragiques : massacres, génocide, guerre, dictature, collaboration avec l’ennemi, tandis que les exemples opposés ont été beaucoup plus rares quand ils ont conduit à plus de liberté, plus de démocratie, plus de respect des droits humains avec des figures comme celles du Mahatma Gandhi, de Nelson Mandela, de Martin Luther King ou encore des résistants contre la barbarie nazie. 

(À suivre)

Bertrand