Je commence moi-même ce billet sans trop savoir où je vais, sans avoir en tête un semblant de plan, sans entrevoir le message qu’il pourra transmettre, avec pour seul espoir que ces quelques lignes auront peut-être un brin d’utilité. Je vais donc réfléchir en écrivant avec pour seule boussole mon souhait de ne pas chercher absolument à établir un lien au travers de ce billet entre l’actualité et mon livre, ce que je faisais systématiquement jusqu’à ce jour. Il est donc probable que je ne vous en proposerai pas non plus un extrait, comme à l’accoutumée.

Mais alors, me direz-vous, pourquoi vouloir écrire à tout prix quand on n’a rien à dire ? Sachez chères lectrices et chers lecteurs, d’abord qu’une telle situation ne s’est jamais présentée, quelles qu’aient été les circonstances ; ensuite, que ce que j’ai à dire est sans doute encore trop confus, mais je ne m’attends pas pour autant à ce que ce soit totalement insignifiant. Alors, un peu de patience, s’il-vous-plaît ! Il se pourrait par exemple que mon embarras vienne des inquiétudes que je ressens devant l’abîme d’incertitudes dans lequel nous précipite la pandémie du Covid. Et tout en y réfléchissant, je crois bien que c’est cela avant tout qui me pousse à rédiger ce billet : un abîme d’incertitudes ! Tout comme la nature a horreur du vide, l’être humain a horreur de ne pas savoir vers quelle destination il est emmené, de ne pas avoir une idée assez claire de ce que sera demain et de ne plus pouvoir faire de projets, fussent-ils à relativement court terme. Et dans les circonstances dramatiques auxquelles nous sommes confrontés, de simplement se demander si dans une semaine ou dans un mois, nous serons encore en vie…

Il faut bien reconnaître en effet que les incertitudes ne manquent pas ! Le monde entier est à la recherche du virus meurtrier, mais à ce jour, son signalement et son comportement restent imprécis. Quels sont ses moyens de transport préférés en dehors de nos exhalations nasales et buccales ? Aime-t-il voyager avec les poires et les tomates achetées au marché ou préfère-t-il se mettre à l’affût sur une rampe d’escalier, attendant de s’accrocher à la main imprudente qui se posera sur lui et le conduira peut-être vers ce milieu humide et vivant de nos bronches qu’il affectionne tant et où il pourra en toute impunité accomplir son œuvre macabre ? Quels seraient les pièges les plus efficaces pour le capturer et l’anéantir, comment lui tendre les embuscades d’où il ne pourrait pas s’échapper ? Et comment faire pour lui interdire toute intrusion dans notre précieux appareil respiratoire ?

Las, les réponses à ces questions restent souvent vagues et indécises, que ce soit de la part de nos fins limiers du corps médical ou des stratèges hésitants qui ont annoncé à tout le monde qu’il fallait se mettre aux abris – pour ajouter à l’angoisse, le stratège en chef a dit que nous étions en guerre – et d’atomiser ainsi les foules en priant chacun de ne plus quitter son abri, autant que faire se peut. Mais alors, une nouvelle rafale de questions et d’incertitudes surgit : est-ce qu’il sera dangereux de sortir des abris quand les stratèges le permettront, la chasse au Covid aura-t-elle permis de tous les éliminer ou bien restera-t-il encore de nombreux snipers qui feront ici et là des victimes innocentes ? Obligera-t-on la plus grande part de la population à s’exposer au risque d’être touchés par ces snipers, exposition nécessaire à la relance de notre économie et de nos productions d’avant Covid, ou bien ce risque sera-t-il humainement acceptable grâce à des moyens et des stratégies de protection efficaces contre ces attaques isolées ?

Puis vient LA question de l’après Covid : dans quel monde souhaiterions-nous vivre et dans quel monde nous ferons réellement vivre les stratèges aux commandes, selon qu’ils seront ceux qui gèrent aujourd’hui de manière brouillonne la lutte contre le virus, ou que d’autres les auront remplacés ? Vous vous en doutez, j’ai ma petite idée sur la question, mais comme je l’avais annoncé dans mon précédent billet, j’y reviendrai à la prochaine livraison dans le format habituel en donnant un extrait du livre.

Alors, oui, toutes ces incertitudes sont anxiogènes et me laissent dans un état mental que je n’avais jamais ressenti jusqu’alors, comme la plupart d’entre vous je suppose. Je voulais vous le dire sans trop savoir comment, mais tout comme l’appétit vient en mangeant, l’inspiration vient en écrivant !

Bertrand