Avant de quitter Paris où j’avais déjeuné ce 17 avril avec une amie écrivaine – ou auteure, autrice, c’est comme vous voudrez -, je me suis arrêté sur le chemin du retour à la station de métro St Paul d’où j’ai pu en quelques minutes de marche atteindre le pont des Tournelles qui relie la rive gauche de la Seine à l’île St Louis. L’endroit est parfait pour observer Notre-Dame du côté où l’on pouvait voir encore il y a trois jours les élégantes toitures de la nef et du transept. D’ailleurs, les télévisions se sont postées sur ce pont, CNN en tête, ainsi que de nombreux curieux, touristes et parisiens, pour filmer, regarder et commenter le désastre. Seule la structure minérale est encore là, sans doute fragilisée par les hautes températures que les pierres ont subies. Assez curieusement, les arcs-boutants me semblent d’une longueur disproportionnée par rapport à la largeur de la nef, plus étroite qu’elle ne paraissait avec sa toiture. Les pignons sud et nord du transept sont maintenant comme isolés du reste de la structure, ce qui leur donne un air de vulnérabilité.

Mais les deux hautes tours de la façade continuent à dominer majestueusement l’île de la Cité et ses abords, et leur allure imposante, comme si elles étaient là en gardiennes invincibles pour protéger le reste de l’édifice, nous fait comprendre que la grande Dame retrouvera un jour tout son lustre. Puissions-nous être encore de ce monde pour le voir!

Les fonds affluent pour la reconstruction ; tant mieux ! Mais il y a pourtant comme un malaise avec ces annonces complaisamment relayées par les médias dominants, à savoir ce concours de surenchères de nos milliardaires; 100, 200, 300 millions d’euros, qui dit mieux ? Cet argent si peu gagné et tant volé, fruit de l’exploitation de travailleurs lointains que lesdits milliardaires ne rencontreront jamais, de l’évasion fiscale qui prive nos finances publiques des recettes qui permettraient non seulement de reconstruire Notre- Dame, mais de développer bien d’autres activités au bénéfice de tous les citoyens, y compris celles qui concernent la culture, cet argent si peu gagné et tant volé permettra donc à ces « grands patrons » de passer à la postérité grâce aux belles plaques de bronze ou de marbre qui seront apposées dans la cathédrale reconstruite et sur lesquelles on pourra lire leurs noms de « grands donateurs ». Combien donc d’indulgences peuvent rapporter 100, 200 ou 300 millions d’euros ? Et la foule immense des invisibles qui auront donné, peut-être en se privant, quelques dizaines ou quelques centaines d’euros pour Notre-Dame de Paris, où pourra-t-on lire leurs noms ?

Bertrand