« J’ai longtemps attendu et espéré l’émergence d’une conscience au sein du vaste Univers, je me suis souvent impatienté devant les activités brouillonnes de Maître Hasard, jusqu’à ce qu’apparaissent les prémices il y a quelques millions d’années d’une espèce qui a pu évoluer vers un être pensant, à la fois habile et perspicace, capable de se prémunir contre de nombreux dangers de l’existence et qui dispose des connaissances qui devraient lui permettre de préserver durablement son précieux cadre de vie. Bien sûr, cette espèce humaine pourra difficilement se mettre à l’abri d’une conjonction cosmique catastrophique comme celle qui mit fin au long règne des dinosaures, mais je n’imaginais pas que cette espèce puisse agir contre elle-même.

Je suis aujourd’hui non plus impatient, mais terriblement inquiet pour le futur proche de cette fragile humanité. Après l’avoir attendue pendant des milliards d’années avant qu’elle n’apparaisse enfin hier soir, j’ai peur de la voir disparaître dès demain matin ! Tout serait alors à recommencer.

Maître Hasard, est-il en votre pouvoir d’aider l’humanité à se sauver d’elle-même ou bien a-t-elle irrémédiablement pris son destin entre ses seules mains ? »

Ainsi s’exprime l’Architecte de tous les mondes en conclusion du premier chapitre de mon essai, « Un conte cosmique ».

Lorsque j’ai commencé à écrire ce livre en 2012, j’avais acquis la conviction que le rôle du hasard était devenu très marginal dans l’évolution de la vie sur notre planète, et tout particulièrement dans celle de l’être humain. Depuis, chaque jour qui passe me renforce dans cette idée d’ailleurs largement partagée.

En effet, ce n’est pas l’intervention inattendue d’extra-terrestres qui a créé les conditions ayant permis le développement sans précédent de la mondialisation et ce qui semble être son aboutissement ultime, la globalisation (je n’entrerai pas ici dans des développements que je ne maîtriserais pas sur l’acception qu’il convient de donner à ces deux termes qu’utilisent les francophones, sachant que les anglophones n’utilisent que le terme « globalization »). Ce ne sont pas non plus des Martiens qui ont apporté aux Terriens la technologie qui nous permet de modeler les paysages, de puiser les ressources naturelles dans les grandes profondeurs de la croûte terrestre, de polluer à grande échelle l’air, l’eau et les sols, et pour finir, de provoquer la sixième extinction d’espèces végétales et animales dans l’histoire de la vie sur cette planète.

Alors l’action des humains est-elle en train de produire des effets aussi catastrophiques que la météorite géante ou les éruptions volcaniques intenses qui auraient provoqué la cinquième extinction, notamment celle des dinosaures, au Crétacé-tertiaire ? On en prend hélas le chemin, et cette fois ce n’est pas le hasard ou la malchance qui nous frappe, c’est bien notre action délibérée qui détruit notre biotope.

Cela m’amène donc à jeter un pont entre la voie dangereuse dans laquelle s’est engagée l’humanité et l’apparition de ce virus qui provoque un arrêt brutal de nombreuses activités humaines, à commencer par celles qui produisent les effets les plus dommageables pour le climat et la santé avec la mise en sommeil de pans entiers de l’industrie, la réduction des circulations routière et aérienne à une fraction de ce qu’elles étaient avant la crise, et à une baisse de notre consommation de produits non essentiels qu’induisent les mesures de confinement (pour le moment, le trafic maritime semble peu impacté).

Je ne voudrais pas tomber dans des considérations irrationnelles sur l’apparition du Covid-19, mais il est tentant de penser qu’au fond, l’Architecte de tous les mondes aurait été cette fois entendu par Maître Hasard ! Puisqu’en effet, les humains se révèlent finalement incapables de maîtriser leur destin, alors leur envoyer ce virus infernal qui met un terme à leurs pires excès pour un certain temps, celui du confinement, les conduira peut-être à les modérer sur le plus long terme et à « remettre le monde à l’endroit » pour de bon. Mais il faudra aussi que Némésis s’en mêle car il ne faut pas culpabiliser la totalité des 7,8 milliards d’humains, mais d’abord la minorité qui dispose actuellement de tous les pouvoirs et qui nous entraîne vers le désastre ; cette minorité-là, il faudra bien d’une manière ou d’une autre la juger et la punir ou, a minima, l’empêcher de poursuivre son projet dévastateur porté par l’idéologie néolibérale…

            Bertrand