27 Sep 2016

Extrait de mon nouveau livre

I – ROBERTA

En entrant dans le bureau du pôle logistique d’Urban Lighting International à Bruxelles, Paula De Woerd fait un petit geste indiquant à Roberta qu’elle peut poursuivre sa communication, tandis qu’elle-même se dirige vers l’écran de contrôle pour suivre les mouvements de fret.
Roberta Pavoni est toujours un peu surprise que la fonction de Paula De Woerd lui laisse le temps et l’envie de s’intéresser à sa personne. Dans les groupes industriels à fort potentiel masculin, la direction du personnel reste traditionnellement réservée aux hommes. La Belgique n’échappe pas à la règle. Paula De Woerd, de ce fait, a mis en place un périmètre de neutralité autour de sa personne. Dès le départ, son physique sans apprêt, sa taille modèle réduit, sa coupe de cheveux très courte, son verbe rare, ne mettent pas sur une voie de familiarité.
Cependant, Roberta au travers des épreuves qu’elle a subies un an auparavant, a pu apprécier la générosité de cette femme. Le plus gênant demeure pour elle cette attention pesante dont elle est l’objet de la part de certains membres de la direction, comme s’ils avaient endossé quelque faute connue d’eux seuls et qui pourrait s’apparenter à de l’empathie.
Quant à Paula, si leur relation demeure réservée, elle n’en a pas moins glissé vers le domaine privé, souligné par quelques soirées passées ensemble, ou encore des randonnées le week-end, cependant tout est tellement informel que l’on ne peut parler d’amitié.
D’ailleurs… cette agression dont Roberta a été victime justifie sans doute les prévenances dont elle est l’objet. De plus, peut-elle ignorer cet aphorisme qui court les couloirs : « On ne surmonte pas un malheur sous le regard de ceux qui le connaissent ». Simple et tellement vrai… Ainsi, « pauvre Rob » qui a tout de même pu changer de service, supporte avec une certaine résignation la glue bienveillante qui l’enveloppe.
Une bouffée d’exaspération l’envahit tout de même à cette pensée et elle met fin à son entretien téléphonique dans la plus parfaite confusion.
Une pensée la taraude : « Je ne veux pas que l’on s’appesantisse sur mon cas, je refuse ces regards qui me fixent avec sollicitude comme des mains indiscrètes qui palpent ma douleur… Mon malheur ne concerne que moi ! »
……

À : paula.dewoerd@urbanlight.be

Objet : ce soir
De : robertapavoni


« Paula,
Je suis convaincue que vos intentions et celles d’Arturo Balbi sont des plus altruistes. Je les respecte pour telles. Cependant je me sens poussée loin de mes repères et je m’en vais sans conviction…
Les regards chargés de sollicitude qui me pesaient tant vont me manquer. Je sais bien que l’on hésitait à m’inviter lorsqu’une fête était organisée, je n’ai rien ignoré de toutes les prévenances que l’on me réservait et même le fait d’entendre chacun penser « pauvre Rob. »
va également me manquer.

J’ai mal d’avoir mal et je ne peux pas en parler. Désolée, mais je ne viendrai pas chez vous ce soir.

Je vous dis merci, vous venez de me donner l’occasion de me confronter à toutes mes peurs et de les prendre à bras-le-corps. On verra qui va gagner d’elles ou de moi !
Rob. »

Poster un commentaire