J’ai donc participé à cette deuxième édition du salon des Écrivains chez Gonzague Saint Bris à Chanceaux-près-Loches, dans cette douce contrée qu’ont tant aimé les Rabelais, Ronsard, de Vigny et Balzac, mais qui fût aussi choisie par Léonard de Vinci pour y passer ses dernières années et finir sa vie il y a 500 ans au Clos Lucé, magnifique demeure où a grandi Gonzague lui-même ! J’étais déjà venu l’année dernière sur les terres de feu le créateur du salon qu’il avait alors baptisé du nom bucolique de La Forêt des Livres.

Bien que n’ayant pas encore un autre ouvrage à présenter cette année, j’ai quand même voulu participer une nouvelle fois à ce salon estimant que mon premier essai était plus que jamais dans l’air du temps, eu égard à l’actualité de ces derniers mois qui fait écho aux grands thèmes que j’ai abordés, cette actualité suggérant que la nécessité de remettre le monde à l’endroit aurait atteint un caractère d’urgence extrême !

Pourtant, nombre de visiteurs qui se sont arrêtés devant ma table hier dimanche ne semblent pas avoir bien perçu cette nécessité. Quant à ceux qui en ont pris conscience, plus d’un considère que la partie est perdue, sentiment qui se reflète dans leur remarque désabusée, accompagnée d’un petit sourire narquois, que pour remettre le monde à l’endroit, « il y a du boulot » ! Se fixer un tel objectif leur apparaît donc comme une mission quasi impossible. La formulation de cette résignation varie d’une personne à l’autre, certaines exprimant un sentiment de lassitude, voire d’agacement devant l’évocation incessante des problèmes que nous devons affronter ; donc, leur proposer de se plonger dans un ouvrage qui parle du monde tel qu’il va, c’est à dire plutôt mal, fût-il original, éclairant, utile et pour tout dire digne de quelque intérêt, les fait fuir, pressés qu’ils sont de se réfugier dans des activités qui pourront les distraire de toutes ces calamités annoncées sans répit dans les médias. Alors, oui, quitte à s’emparer d’un livre, autant choisir une fiction qui pourra les transporter dans un monde où il n’est pas question de réchauffement climatique, de forêts qui brûlent ou de fins de mois difficiles ; et puis, comme nous sommes en été, n’est-ce-pas le meilleur moment pour se mettre la tête dans le sable en n’écoutant que les seuls bruits de la mer et d’enfants qui jouent sur la plage ?

J’ai donc passé une bonne partie de mon temps à expliquer que se résigner n’est pas de mise quand il faudrait au contraire prendre exemple sur le colibri incitant tous ses frères animaux à faire face, et à combattre le feu qui ravage leur forêt. Et écrivant ces lignes, je me répète encore et encore que je ne dois pas moi-même me décourager à l’écoute des paroles d’abandon entendues hier, et tant pis si la participation à ces salons ou autres rencontres pour présenter mon essai représente un lourd investissement en temps et des dépenses pas du tout négligeables, peut-être que mes propres paroles amèneront au moins certains de mes interlocuteurs – qui étaient à vrai dire, comme toujours, surtout des interlocutrices – à s’interroger sur les raisons qui conduisent un monsieur d’âge mûr (!) à passer ainsi de longues heures dans une chaleur étouffante à user tant de salive pour convaincre ceux qui veulent bien l’écouter de tout l’intérêt qu’il y aurait à lire cet ouvrage au titre énigmatique de NÉMÉSIS, mais au sous-titre parfaitement clair de Remettons le monde à l’endroit

Et puisque Léonard était à l’ordre du jour, j’aimerais terminer en incitant les lectrices et lecteurs de mon billet à méditer sur cette belle formule du grand homme : « Qui pense peu se trompe beaucoup ».

Bertrand