La nuit, lorsque le sommeil se fait attendre, notre imagination vagabonde et peut partir dans toutes sortes de directions plus ou moins délirantes. Mais il arrive aussi que naissent des réflexions nouvelles, fertiles et assez raisonnables pour que l’on décide le matin au réveil de les reprendre, les enrichir et les structurer en se mettant au clavier comme je le fais dans cette nouvelle matinée de confinement « coronavirus ».

Les catastrophistes et augures de l’effondrement de la civilisation humaine sont devenus très à la mode depuis que les scientifiques nous alertent sur les conséquences et l’évolution possible du dérèglement climatique. Il y a encore six mois, si certains d’entre eux nous avaient prédit qu’en 2019, au commencement de l’hiver, surgirait un virus dans la Chine lointaine, qu’il se répandrait en quelques mois à la planète entière, et que nous, Français, verrions l’une de nos libertés fondamentales, celle d’aller et venir, de rencontrer qui l’on veut, de simplement sortir de chez soi, de flâner dans un parc ou le long d’une plage, et encore de marcher dans une forêt ou dans la montagne, que cette liberté de se déplacer nous serait donc supprimée pour éviter la propagation du virus, alors nous aurions pensé qu’un tel scénario ne pouvait avoir un semblant de crédibilité et relevait de l’imagination fantasmagorique d’un auteur de roman noir.

D’ailleurs, certains auteurs ne se sont pas privés de décrire de telles situations, mais une fois de plus, la réalité est venue brusquement surpasser l’imagination des prophètes de l’apocalypse ou des scénaristes les plus fantasques. J’ai donc moi-même échafaudé au cours de ma nuit de sommeil discontinu un scénario dont je laisse au lecteur le soin d’évaluer le niveau d’invraisemblance maintenant que nous sommes « enfermés » dans la situation totalement inédite du Covid-19 !

Celles et ceux qui ont eu la chance de pouvoir lire mon essai savent que j’ai consacré un chapitre entier à démystifier l’énergie nucléaire tout en rappelant ses dangers extrêmes et sans équivalent, à l’exception de cette similitude entre le virus et la radioactivité : l’un et l’autre sont insaisissables, invisibles et sournois, laissant chacun d’entre nous dans l’incertitude de la contagion ou des effets des retombées radioactives sur notre santé.

Cette similitude m’a amené à penser aux personnes qui sont en charge du bon fonctionnement de nos installations nucléaires et c’est à partir de ce point que mon imagination est entrée en effervescence !

Nous sommes parfaitement conscients que des activités sont essentielles à la préservation de l’existence même de notre population, ce qui implique que les personnels œuvrant dans certains secteurs ne peuvent pas tous cesser le travail et se confiner chez eux. Il y a bien sûr les personnels de santé, héroïques parce qu’au contact direct des patients infectés par le virus, mais aussi toutes les professions qui permettent de produire, acheminer et distribuer l’indispensable alimentation. Nous connaissons aussi l’importance de l’énergie pour la satisfaction de nos besoins : le carburant pour les véhicules routiers encore autorisés à circuler, le gaz pour chauffer nos logements ou cuire nos aliments, et puis l’énergie électrique sans laquelle notre civilisation disparaîtrait tellement cette forme d’énergie est présente dans tous les interstices de notre vie et de notre environnement technologique. Là aussi, l’électricité est souvent indispensable pour la cuisson de nos aliments, le chauffage et l’éclairage de nos locaux, mais aussi pour communiquer sous diverses formes, pour rester informés, pour la production de denrées essentielles, sans oublier le secteur ultra-sensible des établissements de santé qui ne peut s’en passer!

Or, plus de 70% de cette énergie électrique est d’origine nucléaire dans notre pays. Ce qui implique que les personnels de ce secteur, qui emploie plus de 200 000 salariés, soient disponibles pour en assurer le fonctionnement continu dans le respect des mesures de sécurité les plus exigeantes, notamment dans les centrales nucléaires. Difficile dans ces conditions que les employés du nucléaire puissent exercer leur droit de retrait, mais qu’adviendrait-il si la contamination du virus réduisait le nombre de personnels valides en-dessous d’un seuil critique ne permettant plus de maintenir une centrale en fonctionnement ? Sans doute pourrait-on arrêter quelques réacteurs compte tenu de la baisse de consommation due à la mise en sommeil de nombreux secteurs d’activité, en France comme chez nos voisins européens à qui nous vendons de l’électricité. Mais au-delà de cette possibilité, ne serait-on pas tenté de faire fonctionner nos centrales ou centres de production de combustible nucléaire avec des effectifs réduits, ce qui ne manquerait pas de compromettre la sécurité de ces installations ?

Parvenu à un tel niveau de criticité, l’apocalypse pourrait survenir. Pour frapper encore plus l’imagination, si j’étais l’auteur d’une fiction tentant de décrire une situation particulièrement cauchemardesque, j’envisagerais un accident majeur type Tchernobyl, classé niveau 7 dans l’échelle INES (International Nuclear Event Scale) survenant dans la centrale de Nogent-sur-Seine située à 110 km au sud-est de Paris. A l’heure où j’écris ces lignes, les vents dans la région parisienne et dans le département de l’Aube où se trouve la centrale présentent un régime d’est qui ne manquerait pas de provoquer sur l’Ile de France des retombées radioactives considérables. Que se passerait-il alors ? Je laisse le soin à l’auteur éventuel du récit d’apocalypse consécutif à cet accident d’imaginer le scénario, mais il pourrait aller jusqu’à une peur panique des habitants de la région parisienne fuyant vers le sud de la France les radiations potentiellement mortelles, le plus loin possible du lieu de la catastrophe. N’a-t-on pas vu d’ores et déjà ce phénomène avec le coronavirus, avec nombre de résidents de la région Ile de France partis, pour ceux qui le pouvaient, se réfugier qui auprès de la famille proche en province, qui dans une maison de campagne, et ce, à la veille du confinement annoncé ! Qu’une centrale nucléaire puisse ainsi menacer une région de 13 millions d’habitants qui est le poumon économique et le centre de pouvoir de toute la nation paraît un risque inconsidéré, bien que relativement improbable, en temps normal, mais il pourrait devenir un risque élevé et fatal pour le pays tout entier dans les circonstances insolites de la pandémie du coronavirus…

Un article des Échos du 10 mars fait état de trois cas de personnels touchés par le Covid-19 dans les centrales de Fessenheim (Haut-Rhin), de Cattenom (Moselle) et de Belleville (Cher). Nous sommes le 21 mars, combien de nouveaux cas ont-ils été identifiés depuis le 10 mars ?

Pour tenir ma promesse faite il y a quelques mois, je vous livre un petit extrait de la page 170 en fin du chapitre III « Faut-il vivre dangereusement ? » :

« Peut-on envisager que notre village, notre ville, notre patrimoine historique et toute la nature qui les entoure soient désertés et abandonnés pour une durée indéterminée ? Est-il concevable que des centaines de milliers de personnes vivent une débâcle sans espoir de retour, déplacées du jour au lendemain à l’intérieur de leur propre pays pour fuir un ennemi d’autant plus redoutable qu’il est invisible ? »

 Chères lectrices, chers lecteurs, prenez soin de vous et n’oubliez pas que NEMESIS Remettons le monde à l’endroit est également disponible en version numérique à 9,99 €, pas 10 €, non, 9,99 € !

Bertrand