L’actualité du moment est riche d’informations, de commentaires et de débats autour d’évènements comme ce sommet du climat organisé le 12 décembre à Paris ou la publication d’un nouveau rapport d’experts sur la desserte aéroportuaire de Nantes.
Dans cet énorme tapage médiatique je note que l’analyse des causes qui seraient à l’origine du réchauffement climatique consiste à déplorer la piètre isolation de nombreux bâtiments, des moyens de transport en commun insuffisants, le recours encore massif aux énergies fossiles ou encore de mauvais comportements individuels qu’il faudrait corriger ou prévenir par un effort d’éducation aux bonnes pratiques environnementales. Et d’ajouter que les efforts pour isoler les bâtiments, passer à la voiture électrique et aux énergies renouvelables, ou développer encore les transports publics, vont engloutir des milliards que l’on n’est pas sûr de trouver en quantités suffisantes.
Loin de moi l’idée de contester la nécessité de s’attaquer à tous ces défis, mais il est pour le moins étonnant que ne soient que rarement évoquées – pour ne pas dire jamais – des causes majeures du dérèglement climatique que sont les activités de transport liées d’une part à la mondialisation des échanges, d’autre part à l’absence d’une politique d’aménagement des territoires digne de ce nom.
Sur le commerce mondial, nous savons que le trafic maritime qu’il génère et le trafic routier associé sont des sources d’émissions majeures de CO2, mais aussi de pollutions de l’air catastrophiques pour la santé. Or, quand entend-on parler du cadre institutionnel qui permet au commerce mondial de se développer sans entraves ? Les occurrences où l’on entend prononcer le terme Organisation Mondiale du Commerce ou l’acronyme OMC sont rarissimes, à tel point que la plupart des gens ne savent pas quoi répondre si on leur demande ce qu’ils pensent de cette organisation. Mais au-delà des effets délétères sur le climat et la santé, le système totalement dérégulé de l’OMC constitue une aubaine pour ceux qui cherchent à engranger de fabuleux profits au travers de cette mondialisation dont NÉMÉSIS développe longuement les conséquences néfastes.
Sur l’aménagement des territoires, l’essai montre également que les choix effectués depuis des décennies ou le laisser-faire se traduisent pour les personnes en emploi par des transhumances quotidiennes qui sont chronophages, coûteuses et sources de fatigue, mais qui génèrent aussi les quantités considérables d’émissions polluantes de la circulation routière sur les trajets domicile-travail avec, au jour le jour, des centaines de km de bouchons ou de ralentissements.
Pourquoi alors n’évoque-t-on pas la nécessité de s’attaquer à ces problèmes majeurs ? La maîtrise de notre environnement pour qu’il ne se dégrade pas au point de mettre en péril notre survie appellerait pourtant une approche globale pour éradiquer ou diminuer fortement les causes de tous les désordres que nous venons de rappeler ; et il faudrait commencer par s’attaquer aux plus importantes d’entre elles.
Pourquoi ne le fait-on pas? Pourquoi ? Trop d’intérêts sont en jeu répondront beaucoup d’entre nous ! Oui, mais les intérêts de qui ? Et l’intérêt du plus grand nombre, quand commencera-t-on à s’en soucier ?
Si je partage l’essentiel des idées exposées dans le livre, j’ai une grosse réserve concernant la façon dont l’énergie nucléaire y est traitée.
Tout d’abord, je suis toujours gêné de lire le mot « nucléaire » au singulier. Les activités humaines autour de ce domaine sont assez diverses et il est regrettable de les mettre dans le même sac.
Si la fabrication des bombes H et les millions de radiothérapies et scintigraphies pratiquées chaque année dans notre pays relèvent toutes du « nucléaire » j’ose espérer que tous les anti-nucléaire n’ont rien contre les secondes..Pourtant elles ne sont possible que parce que certains réacteurs produisent le technétium, l’iode 123 ou le Thalium indispensables.
Mais, au delà de ce rappel, même tout ce qui concerne la production d’électricité par fission nucléaire mérite d’être vu comme des pratiques différentes avec des avantages et des risques différents.
C’est rarement le cas et cela tient sans doute au fait qu’en France depuis l’abandon de Superphénix, une seule filière est exploitée.les EPR et la majorité des réacteurs actuels utilisent la même fillière, pourtant ce n’est pas la seule.
Ce n’est pas le cas dans le monde. Des surgénérateurs proches de Superphénix produisent de l’énergie dans l’Oural depuis des dizaines d’années. Toujours en Russie, les réacteurs des sous marins utilisent le plomb comme liquide de refroidissement. D’autres projets sont en cours, plus ou moins avancés, reprenant parfois des réalisations anciennes : réacteurs à sels fondus, réacteur « cigare » de TerraPower financé par Bill Gates, ou Myrrha en construction en Belgique qui , entre autre, devrait fournir 50% des besoins de radionucléides à usage médicaux de la planète. ..Et bruler une part des déchets existants. Avec des risques variables : le plomb brule bien moins que le sodium. Un réacteur sous critique ne risque pas de fusion du coeur et l’utilisation de neutron rapide permet de réduire la production de déchets et même de détruire une partie du stock actuel.
Bref, une analyse objective des technologies nucléaires actuelles ou en projets mérite d’être faite en s’intéressant à leur bilan pour la majorité de la population : possibilité de remplacer les combustibles fossiles producteurs de gaz à effet de serre , disponibilité du combustible ( dans un rapport 1 à 500 selon les techniques ), sécurité intrinsèque, quantité de déchets produits.
Plutôt que de s’enfermer dans un débat entre pro et anti nucléaires, le débat citoyen devrait nous pousser à ce que l’Etat consacre une partie plus importante au développement d’un « nucléaire durable » ce qui n’est pas un oxymore.
Tout d’abord, je remercie Jean-Pierre Gaillet de son appréciation relative à « l’essentiel des idées exposées dans » mon livre. Je le remercie aussi de « lancer le débat » sur le chapitre du nucléaire. C’est très précisément l’intérêt d’un blog que de pouvoir amorcer une réaction – pas nucléaire celle-là et pas dangereuse du tout – à une analyse, un exposé ou une thèse, ce qui doit permettre de progresser vers une meilleure compréhension du sujet abordé.
Je ne vais pas reprendre l’exposé que j’ai fait au chapitre 3 de NÉMÉSIS, mais il est clair qu’il n’existe AUCUNE solution à ce jour qui permette d’envisager l’évitement total et définitif de catastrophes majeures telles que celles qui se sont déjà produites à deux reprises sur des centrales nucléaires à Tchernobyl et Fukushima. Ces évènements tragiques nous enseignent que la probabilité d’accident est relativement élevée ; aussi, compte tenu du nombre de centrales en service, l’occurrence de nouveaux accidents à court ou moyen terme est une certitude d’autant plus grande que beaucoup de ces centrales sont vieillissantes. Et je n’ose imaginer les conséquences d’un accident ou d’une attaque terroriste concernant un centre de retraitement comme celui de La Hague !
Jean-Pierre cite l’exemple du projet de « Terra Power » financé par Bill Gates. J’invite mes lecteurs à se rendre sur les divers sites qui présentent ce projet qui en est au stade papier, qui utiliserait le sodium comme liquide de refroidissement primaire – l’une des raisons qui ont fait abandonner le surrégénérateur Phénix de Creys-Malville – qui ne résoudrait pas la question du démantèlement de ces hypothétiques centrales ni du stockage des déchets constitués pour l’essentiel de plutonium 239, élément hautement radiotoxique avec lequel on fabrique, accessoirement, les bombes H et dont la radioactivité ne diminue de moitié qu’au bout de 24 000 ans ! Ceux qui parlent de la dette publique qu’auraient à supporter les générations futures seraient bien inspirés de réfléchir en priorité à l’héritage autrement plus angoissant qu’elles auront à gérer avec toutes les poubelles nucléaires dont on ne sait pas quoi faire.
En ce qui concerne les aspects médicaux, il n’est absolument pas nécessaire de disposer de centaines de centrales nucléaires à travers le monde pour produire les éléments que cite Jean-Pierre. Ne dit-il pas d’ailleurs que le futur réacteur de recherche Myrrha en Belgique devrait à lui seul pourvoir à 50% des besoins de l’humanité en radionucléides nécessaires aux soins de santé ?
L’humanité doit se tourner vers un autre mode de développement, un aménagement des territoires qui réduise à terme de manière drastique les besoins de déplacements pour les personnes et les marchandises, une modération des échanges commerciaux pour limiter ceux-ci à ce qui est indispensable et enfin vers une conception du bien-être qui s’éloigne résolument d’un consumérisme destructeur des ressources naturelles. Dans cette perspective, il sera encore plus qu’aujourd’hui inutile de vivre sous l’épée de Damoclès d’une catastrophe nucléaire !
Bertrand Thébault
Deux technologies, au moins (il y a aujourd’hui 71 projets différents en matière de centrales nucléaires.. Et je suis loin de les connaître tous !) permettent d’espérer à moyen terme de disposer d’une source abondante d’énergie, sans grand danger, et produisant peu de déchets. Il s’agit des reacteurs hybrides dont Myrrha est le prototype et des réacteurs à sel fondus.
Certes, aucune installation industrielle n’est totalement à l’abri d’un accident majeur. Mais dans ces deux cas le risque reste un risque industriel, sans danger pour l’environnement.
N’est il pas temps d’investir aussi dans la recherche pour ces deux types de réacteurs ?