Chère Julia Cagé,

Diplômée de la plus prestigieuse des Grandes Écoles, « Normale Sup’ », votre autorité d’intellectuelle bénéficie sans nul doute de vos titres, mais la qualité de vos travaux contribue plus encore à la renforcer. 

Je dois en effet louer le travail que vous avez présenté dans un ouvrage dont j’ai terminé récemment la lecture : « Le prix de la démocratie » est une démonstration fondée sur une énorme recherche documentaire attestant du rôle pernicieux de l’argent dans le jeu démocratique, là où la démocratie tente, tant bien que mal, d’exister encore. Que le financement des mouvements ou partis politiques soit totalement déséquilibré en faveur des conservateurs et des catégories les plus privilégiées ne surprendra personne, mais votre livre apporte une telle quantité de données objectives à son appui que ce constat s’impose alors comme une évidence. 

Il eût été étonnant que vous ne proposiez pas des solutions qui permettent de corriger ces dérives, et vous le faites avec l’élégance de la simplicité avec vos « Bons pour l’égalité démocratique » (BED) qui permettraient à chaque électeur de financer l’organisation politique de son choix de manière parfaitement égalitaire, et ce indépendamment du revenu de chacun, puisqu’il s’agirait d’un financement public que vous proposez à hauteur de 7€ par électeur. 

Las ! combien d’excès, d’injustices ou de dérives de toutes sortes sont dénoncées année après année, sans que rien de significatif ne change puisque les propositions qui sont faites pour remettre le monde à l’endroit se brisent généralement sur l’obstacle d’une compétition électorale faussée. Voilà un autre constat affligeant qui indique que la démocratie tourne à vide, comme prise dans un piège diabolique. L’impossibilité de sortir de ce piège tient à la combinaison de deux atouts majeurs qui bénéficient aux puissants : celui que vous avez décrit avec précision dans « Le prix de la démocratie » et celui sur lequel les milliardaires ont fait main basse, à savoir les grands médias et que vous avez également traité dans « Sauver les médias : capitalisme, financement participatif et démocratie ».

Dès lors, comment sortir de ce piège ? 

En ce mois de février 2022, tout semble indiquer qu’il pourrait se refermer à nouveau sur celles et ceux qui veulent en finir avec cette farce électorale absurde qui consiste dans notre pays à mettre face à face au second tour de l’élection présidentielle des candidats qui se différencient, non par une volonté de changer les mécanismes d’un régime redevenu de fait censitaire, ou de corriger tous les excès d’un néolibéralisme destructeur du lien social et de l’environnement, mais à des degrés divers, par leur rapport à l’humanité, allant par exemple du déficit d’empathie pour les migrants à la xénophobie pure et simple aggravée d’un racisme rampant.

Au revers de cette face sombre de la société et du monde politique, il y a plus de lumière, mais l’image manque de netteté et les médias dominants prennent un malin plaisir à brouiller encore un peu plus la perception que pourraient en avoir les électeurs. Pourtant, il existe à gauche une véritable alternative qui interdirait la perversion que vous dénoncez du processus démocratique par l’argent ; cette option serait notamment fondée sur le renouvellement complet de nos institutions. 

Au même titre que le doigt qui montre la Lune est moins important que la Lune elle-même, s’il n’est pas inutile en démocratie de regarder celui qui nous montre un nouveau chemin, il est plus important encore de regarder très attentivement le chemin qu’il nous montre ! Alors le moment n’est-il pas enfin venu pour les personnes comme vous de mettre votre notoriété au service d’une grande cause en apportant votre soutien éclairé au seul projet en mesure de faire pièce aux quatre candidats de droite qui partagent la volonté de ne rien toucher au système capitaliste néolibéral ? Ce projet vous l’aurez compris est « L’Avenir en Commun ».  

Encore bravo pour vos travaux qui permettent de décrypter les mécanismes sournois qui sont à l’œuvre dans nos démocraties de plus en plus imparfaites !

Amicalement,

Bertrand THEBAULT

Essayiste