Hier 8 mars, c’était la Journée internationale des Droits de la Femme.

Puisqu’il n’y a pas de journée de l’homme, tant qu’il y aura une journée de la femme, il n’y aura pas d’égalité entre les deux sexes. Mais qui pourrait demander que l’on abolisse la journée de la femme sans être soupçonné de complicité avec les hommes qui font de l’obstruction à l’encontre de cette demande d’égalité des droits entre les deux genres ? Pourtant, il faudra bien un jour qu’une telle journée n’ait plus de raisons d’être. Dans cette probablement très longue attente, je me demande tout de même s’il n’y a pas une autre forme de condescendance à l’égard des femmes en leur attribuant un jour dans l’année pour mettre leurs problèmes sur le devant de l’actualité, puis que l’on passe à autre chose dès le lendemain… 

Dans le préambule de notre Constitution, il est écrit que « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». Cette précision est en soi discriminante tout comme l’est l’idée de journée de la femme ; on aurait tout aussi bien pu dire que « La loi garantit à l’homme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de la femme ». Voilà qui montre que peuvent souvent se cacher des résidus de préjugés sous des questions purement sémantiques. Si la rédaction d’une nouvelle constitution devait être engagée dans un proche avenir, il faudrait veiller à éliminer ce genre de formulation asymétrique en évoquant simplement que dans tous les domaines, la loi garantit des droits égaux à tous les êtres humains.  

Mais acceptons pour l’heure qu’un principe qui va sans dire aille souvent encore mieux en le disant haut et fort ! Il s’agit alors de s’assurer dans un premier temps que la loi y répond bien. Et là, les problèmes se compliquent car des différences de nature biologique vont introduire d’autres différences dans la manière dont les deux genres interagissent avec la société. Les différences entre le corps de la femme et celui de l’homme traduisent en premier lieu leur rôle totalement différencié dans la fonction de reproduction ; concrètement, la nature a attribué le rôle principal à la femme, ce qui représente pour elle une responsabilité majeure dans la pérennité de l’espèce. Voilà qui a justifié de longue date que des mesures spécifiques soient prises en faveur des femmes pour protéger leur intégrité physique et leur vie : en cas de naufrage d’un navire, ce sont les femmes et les enfants qui ont la priorité pour monter à bord des chaloupes; en cas de guerre, ce sont les hommes que l’on envoie au front même si des évolutions récentes dans certaines armées voient malheureusement des femmes participer aux combats. De façon similaire, les femmes qui participent à des travaux exigeant une force physique importante sont largement minoritaires par rapport aux hommes. A contrario, certains métiers tels que ceux de la santé, de l’enseignement ou du judiciaire deviennent de plus en plus des métiers de femmes. 

Cependant, les constats qui viennent d’être faits n’empêchent nullement que des formes moins visibles de discrimination existent dans nos sociétés « évoluées », même si nous devons admettre, et déplorer en même temps, que dans de nombreuses régions du monde, les discriminations conduisent à des mauvais traitements. Chez nous donc, deux problèmes se posent : 

  • Le premier est lié au rôle spécifique de la femme dans la « fabrication » des enfants et aux difficultés que cela soulève dans une société où le taux d’emploi global des femmes dans les divers secteurs d’activité est désormais à un niveau élevé proche des 70% : selon l’INSEE, en 2017, 67,6% des femmes de 15 à 64 ans étaient en emploi (contre 75,6% des hommes). Or, il apparaît que des garde-fous supplémentaires doivent être prévus pour les femmes dans le cadre de leurs maternités afin que le temps plein qu’elles y consacrent avant et après l’accouchement, et qui donc les éloigne pour quelques semaines ou mois de leur emploi, ne comporte pas le risque au retour de leur congé de maternité de ne pas retrouver leurs fonctions et de se voir déclassées dans un autre poste avec perte de salaire.
  • Le deuxième problème est sans rapport avec le premier : il s’agit de discrimination pure qui se traduit, toutes choses égales par ailleurs, par un différentiel de traitement par rapport aux hommes qui était globalement estimé en 2021 à plus de 22%. La seule manière de mettre un terme à cette injustice réside dans une loi prévoyant l’interdiction d’accéder à certains marchés, des sanctions financières, voire pénales, plus rigoureuses envers les employeurs qui persistent à pratiquer ce genre de discrimination. S’ajoute à ce différentiel de salaire le fait que le temps partiel contraint touche 80% des femmes ; là encore, il conviendrait de limiter le recours, souvent abusif, à cette forme d’emploi.

Il faudrait aborder bien d’autres formes d’inégalités entre hommes et femmes dans les milieux professionnels et dans la sphère politique : aujourd’hui, on ne compte qu’une seule femme à la tête d’une entreprise du CAC40, le Sénat n’a que 30% de femmes, l’Assemblée nationale 40% ; toutefois ces chiffres de 2017 sont en augmentation : 25% en 2014 pour le premier, 26% en 2012 pour le second. 

Mais la loi ne peut pas tout faire. Il faut aussi que les individus s’engagent, les femmes autant que les hommes, dans le combat politique pour que les conditions de vie de chacun s’améliorent, d’abord par des augmentations des bas salaires pour toutes et tous, tandis que sera respectée la norme qu’à travail égal doit répondre un salaire égal. Ensuite par des parcours professionnels qui suivent des développements semblables entre hommes et femmes. En bref, ni le seul fait d’appartenir au genre féminin, ni la vocation particulière qu’ont les femmes dans la reproduction des générations, ne doivent être la justification d’attitudes discriminatoires à leur égard. 

Ce qui pourra favoriser le partage encore très inégal des tâches domestiques entre hommes et femmes, c’est l’augmentation du temps libre avec notamment la semaine de 32 heures sur 4 jours qui permet par exemple aux deux parents de libérer 2 jours sur 5 pour s’occuper des enfants, soit au total 4 jours sur 7, pratique largement répandue dans quelques pays de l’Europe du nord comme la Hollande. Il est permis de penser qu’une telle organisation du temps de travail professionnel doit avoir un impact indiscutable sur le rééquilibrage des tâches domestiques au sein des couples, mais doit être aussi très bénéfique pour les enfants grâce au temps que les parents peuvent consacrer à leur éducation.

Le dernier point, et sans doute le plus insoutenable, réside bien sûr dans la violence physique faite aux femmes par certains hommes, violence dont les enfants sont souvent des victimes collatérales, un problème pour lequel des moyens importants doivent être dégagés pour la prise en charge et la protection de ces femmes et de ces enfants.  

En conclusion, si les grands principes de la République établissent que les hommes et les femmes sont égaux en droits, les réalités quotidiennes que connaissent de nombreuses femmes imposent que le corpus législatif actuel soit renforcé par des lois plus ciblées afin que soient réellement respectés ces grands principes. 

Bertrand