« Nous sommes tous des visiteurs de ce temps, de ce lieu. Nous ne faisons que le traverser. Notre but est ici d’observer, d’apprendre, de grandir, d’aimer… Après quoi nous rentrons à la maison. » Aphorisme aborigène

Déesse du panthéon grec, Némésis est d’une origine incertaine comme peut l’être celle des personnages de la mythologie. Est-elle née de Nyx, fille de la Nuit, ou d’Océan, voire de Zeus en personne ? Qu’importe, les Grecs avaient sans doute ressenti le besoin d’imaginer une divinité qui serait en charge de juger et punir les mortels qui vivent dans un luxe extrême. Némésis veille donc à une répartition équitable de la fortune, dans la proportion due à chacun selon ses mérites. À ceux qui ont bafoué ce principe, la déesse inflige un châtiment juste mais impitoyable, ce qui aurait fait dire au poète grec Hésiode qu’elle était « le fléau des hommes ».

PRÉAMBULE

Cet essai tentera d’abord d’éveiller chez le lecteur la conscience de ce que nous sommes par rapport au temps, à l’espace, à la matière et à l’énergie de l’Univers afin que nos actes individuels et collectifs retardent le plus longtemps possible la fin de l’aventure humaine. Car cette aventure aura une fin bien avant que toute vie soit devenue impossible sur notre planète et que le Soleil, devenu une géante rouge, l’ait engloutie avec Mercure et Vénus dans quelque cinq milliards d’années.

Puis il s’agira d’identifier et de conjurer dans nos sociétés contemporaines certains des plus grands périls qui menacent les conditions de survie sur notre planète ; ce sera sans aucun doute la partie la plus ambitieuse et la plus périlleuse de cet exercice car le salut ne pourra venir que de l’émergence d’Une nouvelle conscience pour un monde en crise.

Nous sommes prisonniers de notre planète car la barrière du temps, bien qu’invisible, est infranchissable pour les humains. En effet, les temps de parcours pour atteindre d’hypothétiques planètes semblables à la Terre se chiffreraient en milliers d’années. L’exoplanète la plus proche de la Terre est estimée à environ dix années-lumière, distance qui serait franchie au bout de 21 000 ans par un vaisseau spatial animé d’une vitesse de 50 000 km/h, ce qui est l’ordre de grandeur de la vitesse atteinte par des sondes interplanétaires. Serait-il dix fois plus rapide qu’il faudrait encore à ce vaisseau plus de 2000 ans pour parvenir en un lieu de l’espace dont on ne serait même pas sûr qu’il soit compatible avec la survie d’êtres humains. Au-delà de la question du temps, d’innombrables difficultés font que tous les scénarios envisageant des missions habitées hors du système solaire relèvent de la science-fiction.

Ainsi sommes-nous condamnés à vivre jusqu’à la fin de notre histoire sur la Terre, vulnérable et minuscule vaisseau perdu dans l’immensité du cosmos. C’est pourquoi notre planète doit être l’objet de toutes nos attentions : nous devons nous efforcer d’adopter des modes de vie qui économisent les ressources limitées de cette demeure irremplaçable, explorer et mettre en œuvre toutes les possibilités de les recycler, organiser nos sociétés et aménager nos territoires pour que les consommations d’énergie et de matières premières soient optimisées et enfin veiller à ce que les atteintes à l’environnement ne conduisent pas à une dégradation irréversible du biotope qui a permis à notre espèce d’émerger après des milliards d’années de tâtonnements de la nature.

Les conditions qui ont permis à la vie telle que nous la connaissons de se développer sur Terre sont le fruit d’un extraordinaire hasard. Il est tout aussi extraordinaire que l’environnement dans lequel nous puisons toutes nos ressources pour vivre ait l’élégance de nous offrir en prime le spectacle sans cesse renouvelé de couchers de soleil somptueux, de montagnes à la blancheur éclatante, de vagues qui n’en finissent jamais de se fracasser sur des côtes rocheuses ou au contraire, de mourir paresseusement sur des plages de sable fin… Ne serait-il pas criminel d’abîmer tant de beauté et de gaspiller sans retenue des ressources que nous savons limitées ?

Pourtant, c’est bien ce que nous faisons chaque jour avec un degré d’inconscience qui heurte l’intelligence et devrait faire naître en chacun d’entre nous un insupportable sentiment de culpabilité mêlée de honte. C’est pourquoi il est important, sinon essentiel, d’avoir la conscience la plus aiguë possible de la nature et des mécanismes de l’univers dans lequel nous vivons, que ce soit à l’échelle cosmique ou à notre toute petite échelle terrestre.

NÉMÉSIS Remettons le monde à l’endroit c’est donc aussi l’ambition de faire comprendre pourquoi le bien-être des humains ne saurait continuer longtemps à s’améliorer, ni même à se maintenir durablement, sans le respect de notre environnement au sens large, c’est-à-dire sans le respect absolu de la vie dans toutes ses composantes.

Enfin, il s’agira de proposer quelques éléments fondateurs d’un nouveau paradigme qui suggère les grandes lignes d’une autre organisation de nos sociétés orientée vers la recherche d’une plus grande harmonie dans les relations entre les humains, et des humains avec la nature, ce qui aura un impact sur les composantes sociales, économiques, culturelles et bien sûr environnementales de ces sociétés.

Ainsi aurons-nous établi une chaîne continue entre le cosmos qui, par un fruit du hasard peut-être unique, nous a engendrés il y a plus de quatre millions d’années, et les enjeux politiques contemporains, petits et grands, dont nous débattons au quotidien.