Que les rares personnes qui ont pris l’habitude de se rendre sur ce blog veuillent bien me pardonner d’avoir quelque peu négligé d’y placer de nouvelles chroniques depuis la parution de AUTOUR D’UN LIVRE, ayant consacré beaucoup de temps au lancement de sa promotion, tâche des plus difficiles dans un contexte où ni libraires, ni bibliothécaires n’ont encore pris la décision d’accueillir à nouveau des auteurs pour des dédicaces ou rencontres-débats. Espérons qu’il sera possible en 2021 de miser au moins sur les salons pour renouer les contacts avec lectrices et lecteurs…

Pourtant dans la période inédite que nous vivons, chaque semaine, quand ce n’est pas chaque jour, l’actualité m’offre bien des motifs qui m’inciteraient à réagir et à m’exprimer, comme je l’ai fait lors du premier confinement. Mais encore une fois, je ne souhaite pas me transformer en éditorialiste, m’étant fixé comme priorité de publier des essais qui forment un ensemble cohérent.

Comment rester muet devant cette tornade qui s’est abattue sur Capitol Hill et ne pas vous faire part de nouvelles interrogations sur ce qu’il est convenu d’appeler « démocratie ».

C’est un sujet inépuisable, vieux comme les premières civilisations humaines, notamment celle de la Grèce antique qui nous a laissé sur cette question quelques enseignements utiles.

Avant de me lancer dans des réflexions personnelles sous forme d’une approche très générale de ce sujet, je voudrais reformuler ici certains commentaires qui ont pu être entendus sur les médias à propos de l’attaque du 6 janvier dernier sur le parlement étatsunien.

Dès l’annonce des premiers résultats au soir de l’élection présidentielle aux États-Unis, des craintes déjà pressenties des mois auparavant se sont trouvées renforcées lorsque Donald Trump s’est lancé dans un discours triomphaliste devant les médias, se faisant applaudir par ses partisans comme s’il avait déjà gagné cette élection ; et il faut bien dire que le monde entier a cru pendant quelques heures que le bouffon avait encore remporté la mise.

Devant les scènes stupéfiantes du 6 janvier que nous montraient les médias, nous avons d’abord éprouvé un sentiment mêlé d’incrédulité et de sidération, un peu comme devant l’incendie de Notre-Dame ! Puis des questions sont arrivées. Quelles conséquences ces évènements pourront-ils avoir, non seulement au pays de l’Oncle Sam, mais dans le reste du monde ? Comment en est-on arrivé à ce point de délitement de la vie publique dans un pays longtemps présenté comme la première démocratie au monde ? Et qui porte la responsabilité de tels évènements ? Une fois passée l’émotion initiale et après avoir exprimé notre réprobation devant une telle violence et une telle offense aux institutions d’un pays libre qui se veut démocratique, bien que les réponses aux questions précédentes soient difficiles à formuler, il paraît en effet indispensable de rechercher les racines profondes et d’identifier les responsables d’un tel chaos. C’est précisément dans ce genre de circonstances qui auraient pu être encore plus dramatiques que Némésis doit reprendre du service !

Très vite, les premières conséquences de l’attaque du Capitole par des éléments de l’extrême-droite, poussés au crime par Donald Trump, sont apparues dans les réactions de dirigeants étrangers ou de leurs porte-parole. Dans le camp des démocraties libérales comme la nôtre, c’est l’indignation et la condamnation de ces actes qui ont prédominé. Notons au passage qu’Emmanuel Macron a été le seul chef d’État à organiser une mise en scène improbable, s’exprimant en français puis en anglais devant les drapeaux français, européen et étatsunien pour dire que « nous ne céderons rien à quelques-uns… » ; ce « quelques-uns » n’est malheureusement pas conforme à la réalité, car il y avait là une foule enragée, mélange de partisans de Trump, de racistes et de casseurs, ou de tout cela à la fois, représentants d’une nation violente dans laquelle le port d’armes est un privilège inscrit dans le deuxième Amendement de la Constitution, mais surtout d’un électorat des quelque 74 millions de citoyens étatsuniens qui ont apporté leur vote au président sortant, et non de « quelques-uns ». J’ajouterai que le « nous ne céderons rien » est très ambigu : au nom de qui parle-t-il ? Est-ce en son nom ? Auquel cas, n’étant pas Louis XIV, il aurait dû s’exprimer à la première personne. A supposer que ce soit au nom des Français, ce qui pourrait se concevoir compte tenu de sa fonction, en quoi serions-nous légitimes pour intervenir dans la politique intérieure des États-Unis, sur quoi pourrions-nous céder ou ne pas céder au regard d’évènements qui se déroulent de l’autre côté de l’Atlantique ? Enfin, et surtout, de quel adversaire parle-t-il puisqu’il ne l’a pas nommé, à savoir une extrême droite raciste et prête à remettre en cause l’état de droit quand le fonctionnement des institutions lui apporte un clair désaveu dans les urnes ?

Mais laissons cela et voyons maintenant ce que cette tentative de putsch a suscité comme réactions du côté des dictatures. Pour les dirigeants chinois, russes, turcs, iraniens et quelques autres, ces évènements sont une véritable aubaine pour laisser entendre à tous les peuples qu’ils oppriment que la démocratie est synonyme de désordres, qu’elle n’est pas le meilleur régime dont on puisse rêver et que cela doit donc servir de leçon. A côté des larmes de crocodile versées par ces dirigeants qui déplorent une « attaque contre la démocratie », certains déclarent ouvertement comme le président de la commission des Affaires étrangères du sénat russe que « La fête de la démocratie est terminée », ajoutant pour finir que « L’Amérique a perdu le nord et n’a donc plus aucun droit de donner le cap. Et encore moins de l’imposer aux autres ».

Autrement dit, que la démocratie vacille quelque part à ce point, et à plus forte raison au cœur de la première puissance mondiale, c’est ce qui autorise ceux qui la bafouent en permanence à l’attaquer dans ses fondements et sa raison d’être, tant il est vrai que la faute se remarque beaucoup plus chez celui qui cherche généralement à se montrer exemplaire que chez celui qui en tout temps montre son indignité.

A ce stade de nos observations et commentaires, il est temps d’en venir aux deux grandes questions de fond :

  1. Qu’est-ce que la démocratie ?
  2. Comment, là où elle tente d’exister, peut-elle en arriver à être sur le point de connaître un déraillement catastrophique comme celui qui aurait pu se produire le 6 janvier 2021 à Washington ?

Envisager ici, dans une chronique, de répondre à la première question n’a guère de sens tellement elle est complexe, sujette à de multiples interprétations et à des débats sans fin. Je me contenterai donc d’ajouter quelques questions subsidiaires et de proposer des hypothèses qui pourraient ultérieurement aider à formuler une réponse acceptable, parmi bien d’autres…

Quelle qu’en soit sa taille, dès lors qu’un groupe humain se constitue, très vite le besoin se fait sentir d’établir des règles de vie en commun. Cela est une évidence, car ne pas le faire reviendrait à considérer que chaque individu du groupe peut rester totalement autonome sans avoir l’obligation de tenir compte de l’existence des autres, de leurs besoins et du respect qui leur est dû. Cela conduirait rapidement à la situation de ces horribles Troglodytes évoqués par Montesquieu dans ses Lettres persanes et que j’avais cités dans une chronique ayant servi de conclusion à mon dernier livre. Autrement dit, sans le consentement de chaque individu à la perte d’une part de sa liberté d’action du fait de l’obligation de respecter des règles établies, la vie en communauté deviendrait rapidement intenable.

Deux questions se posent alors : comment définit-on ces règles et comment décide-t-on de les mettre en œuvre ? Deux voies diamétralement opposées peuvent se présenter.

La première consiste à se soumettre à la volonté de quelques-uns, voire d’un seul, dont le naturel les pousse à vouloir imposer leur volonté et à détenir le pouvoir sur les autres. Ils peuvent le faire en étant persuadés qu’en agissant ainsi, ils vont apporter le bien-être à l’ensemble du groupe parce que, de leur point de vue, les règles qu’ils veulent imposer sont les meilleures possibles. Ils pourront le faire sans chercher leur propre intérêt et en tolérant l’expression d’avis contraires qu’ils pourront éventuellement reprendre à leur compte, ce qui fera d’eux des despotes ou monarques « éclairés ». Naturellement, ceux qui imposeraient leurs règles à la majorité du groupe par l’intimidation ou la neutralisation des opposants les plus déterminés, et qui en tireraient en plus des privilèges abusifs, pourront être qualifiés de tyrans, dictateurs ou autocrates.

L’autre voie consiste au contraire à engager la concertation au sein du groupe en y associant tous ses membres, à évaluer les options des uns et des autres et à convenir d’un processus de choix fondé par exemple sur la prééminence de la majorité. Dans ce contexte, toute décision qui touche à la vie du groupe doit être débattue et mise aux voix. Ce système porte le nom de démocratie, terme qui trouve son origine dans l’association d’un préfixe – dêmos – et d’un suffixe – kratein – qui signifient en grec le peuple et celui qui commande, soit le pouvoir du peuple. S’il y a toujours eu autour de ce concept des débats sans fin comme je le soulignais plus haut, ce n’est pas tant au niveau des principes qu’au niveau de leurs modalités de mise en œuvre. Il serait en effet possible de les décliner à l’infini depuis la définition du périmètre des questions à débattre, en passant par la manière d’organiser les débats, d’en tirer les éléments clés, de les soumettre au vote des membres du groupe, de donner délégation de pouvoir à celles et ceux qui devront mettre en œuvre les mesures décidées, jusqu’à fixer les procédures de contrôle de l’efficience et de l’efficacité de ces mesures.

Dans une démocratie idéale, personne ne doit se sentir à l’écart des processus de décision, aucun sujet d’importance ne doit être occulté ou exclu du débat, aucune pression d’aucune sorte ne saurait s’exercer sur les membres de la communauté pour forcer leur choix ; seul le raisonnement fondé sur des données objectives et des faits avérés doit amener chacun à établir sa préférence pour telle ou telle option. Au bout du compte, la démocratie est un mode d’organisation de la société qui doit s’adapter et se perfectionner en permanence, mais son but ultime est bien de chercher une amélioration continue du bien-être de chacun de ses membres, un bien-être qui permette non seulement à chacun de respirer à pleins poumons un air aussi pur que possible pour maintenir le corps en bonne santé, mais qui permette aussi à l’esprit de s’enivrer de cet air de liberté aux limites acceptées de plein gré et égales pour tous : je respecte le code de la route parce que je tiens à la vie et ne veut pas mettre en danger celle des autres. 

Que les modalités de mise en œuvre de la démocratie fassent débat est somme toute très naturel ; en revanche, ce qui pose de sérieux problèmes, ce sont les perversions dont elle est victime, car demeure cette ambivalence de la nature humaine qui penche tantôt du côté de la vertu, tantôt du côté de la faiblesse. C’est donc un combat permanent qui se déroule sous nos yeux entre d’un côté les défenseurs de la liberté et de son corollaire qu’est la démocratie, et de l’autre, ceux qui en dénoncent les insuffisances alors qu’ils ne cessent eux-mêmes d’en saper les fondements. Les moyens dont disposent les ennemis de la démocratie pour accomplir leurs forfaits sont innombrables et redoutables. Toutefois, c’est l’argent qui est devenu leur arme de prédilection grâce au pouvoir qu’il confère. Voilà un élément qui est venu s’insinuer par tous les interstices dans les trois grands pouvoirs qui existent dans nos démocraties : celui qui est censé fixer démocratiquement les règles, donc le pouvoir législatif ; celui qui est censé les mettre en œuvre dans les délais prescrits, donc le pouvoir exécutif ; et enfin celui qui est censé veiller à la bonne marche de ce système ainsi qu’au respect par tous des lois et règlements, à savoir le pouvoir judiciaire. Ces trois pouvoirs se doivent d’être indépendants pour des raisons que chacun peut comprendre. Si des interactions fortes commencent à se manifester entre ces trois pouvoirs, alors la démocratie est en péril et ses faiblesses la rendent encore plus vulnérable aux attaques de ceux qui voudraient la voir disparaître partout où elle tente d’exister.

L’influence de l’argent, on la mesure d’abord dans le choix des représentants du premier pouvoir, le législatif, car l’argent donne à ceux qui en possèdent beaucoup la possibilité de faire entendre leur voix à un niveau tel que les moins bien lotis deviennent inaudibles ; ajoutons même invisibles, compte tenu de l’importance qu’ont les images depuis que la télévision a imposé sa présence dans l’immense majorité des foyers. Les super riches ont donc investi massivement dans les médias pour faire élire celles ou ceux qui adhèrent à leur idéologie, ces derniers dépensant eux-mêmes sans compter dans des campagnes électorales à grand spectacle. Ainsi, n’est-il pas envisageable dans la « plus grande démocratie du monde » de gagner l’élection présidentielle et la majorité au Congrès si l’on n’est pas en mesure de rassembler des centaines de millions de dollars pour mener campagne ! En France, ce sont les médias dominants qui intronisent le futur Président bien avant que l’élection n’ait eu lieu : Sarkozy, Hollande et Macron avaient été choisis par ces médias pour leur adhésion sans réserve à l’idéologie néo libérale, leur choix ayant été confirmé par le vote. Et comme le « pouvoir » législatif dans la Vème République est la traduction fidèle du pouvoir présidentiel, ce quatrième pouvoir étant bien réel et sans guillemets, les lois adoptées seront, en toute logique, favorables au monde de la finance, même si, pour tromper ses électeurs, tel candidat a pu oser affirmer qu’elle était son ennemi …

Le rôle de l’argent ne va pas s’arrêter au processus électoral. Il va se poursuivre une fois les nouveaux pouvoirs installés, avec cette anomalie française qui conduit à une absence totale d’indépendance entre le législatif et l’exécutif, ceux-ci étant eux-mêmes dominés par ce que j’ai appelé « quatrième pouvoir », le présidentiel. Plusieurs phénomènes vont se conjuguer pour permettre aux très riches de poursuivre leur action sur le fonctionnement des institutions. Il y a les lobbies qui interviennent directement auprès des élus ou des cabinets ministériels pour dire combien il est important pour leur secteur d’activité de faire voter ou de ne pas faire voter telle ou telle loi. Les sommes dépensées dans cette forme d’activisme se chiffrent en millions de dollars ou d’euros. Un deuxième facteur d’importance qui confère au monde économique et financier une influence plus ou moins occulte sur l’exécutif réside dans la porosité qui existe entre le monde des affaires et les équipes gouvernementales, ministres inclus, l’actuel Président de la République lui-même illustrant parfaitement cette porosité. Aux États-Unis, ce sont plusieurs milliers de collaborateurs de la présidence et des différents ministères qui sont remplacés à discrétion lorsqu’un nouveau Président prend ses fonctions, ce qui permet d’introduire éventuellement dans la haute administration des personnes issues du milieu des affaires, ce dont Donald Trump ne se sera pas privé. Et entre deux élections, les médias aux mains de quelques milliardaires vont bien sûr veiller à transmettre la « bonne parole » afin que la prochaine échéance électorale ne provoque pas autre chose que quelques changements à la marge qui auront été promis au peuple et dont on fera bien sûr grand cas.

Qu’en est-il du troisième pouvoir, le judiciaire ? Il est sans doute celui dont l’indépendance par rapport à l’exécutif est la moins imparfaite. Cependant, le rôle de l’argent se manifeste ici, comme chacun sait, d’une tout autre manière : il y a bien deux justices, celle des pauvres et celle des riches. Et si les pauvres sont les plus nombreux à occuper les prisons, ce n’est pas seulement parce qu’ils sont beaucoup plus nombreux que les riches dans la société, c’est aussi parce qu’ils n’ont pas les moyens d’être défendus par des avocats disponibles et expérimentés. Il suffit d’avoir commis de bien légers délits pour écoper de plusieurs mois de prison quand on ne peut s’offrir une défense efficace ou quand on n’est pas en mesure de régler la caution libératrice comme cela se pratique aux États-Unis. Quant à ceux qui ont commis des délits qui relèvent de la fraude fiscale, de l’abus de biens sociaux, de conflits d’intérêt, de trafic d’influence, d’emplois fictifs ou encore de corruption, peu d’entre eux sont condamnés à des peines de prison ferme, et le seraient-ils, que pour des motifs incompris du commun des mortels, ils sont le plus souvent dispensés d’effectuer cette peine.

Nos démocraties sont donc imparfaites pour des raisons allant des institutions proprement dites – constitution, modes de scrutin, indépendance des trois pouvoirs fondamentaux, rôle des corps intermédiaires et de la société civile en général, etc. – à la manière dont ces institutions sont mises en œuvre avec toutes sortes de pratiques déloyales, de jeux d’influences et de moyens d’information disproportionnés qui viennent dénaturer et affaiblir le débat démocratique.

Ces défauts seraient sans doute plus supportables s’ils ne s’accompagnaient de bilans désastreux dans lesquels le nombre de personnes vivant dans la pauvreté augmente sans cesse, tandis qu’une poignée d’ultra privilégiés engrange des revenus stratosphériques, que le chômage persiste à des niveaux élevés, que les services publics se dégradent, que l’austérité s’installe durablement, que l’environnement est de plus en plus délétère pour la santé et que les citoyens ne sont jamais invités à s’exprimer sur des sujets aussi essentiels pour leur vie et leur bien-être que la production d’énergie, les accords de libre-échange, le modèle agricole, l’aménagement des territoires, l’environnement et bien d’autres sujets encore.   

Nos démocraties n’atteignent donc pas leurs objectifs, et pour ce qui est de la France, la devise  « liberté, égalité, fraternité » devient de plus en plus une coquille vide avec des lois liberticides ou des violences policières intolérables pour dissuader les citoyens d’exercer leur droit de manifester pourtant  inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des inégalités qui atteignent des records historiques et, au sein de la société, des fractures que provoquent le racisme, la xénophobie et l’intolérance religieuse en lieu et place de la fraternité.

Alors, nous commençons à comprendre comment son délitement des deux côtés de l’Atlantique peut inciter des citoyens de plus en plus nombreux à pousser cette très imparfaite démocratie au bord d’un abîme dans lequel elle aurait pu tomber le 6 janvier dernier à Washington pour déboucher sur une guerre civile, et chez nous en France, à éloigner toujours plus les citoyens des bureaux de vote, à les faire enfiler un gilet jaune et investir les ronds-points et, beaucoup plus inquiétant, à les entraîner vers l’extrême droite ; pour les États-Unis, cette évolution de l’électorat s’est traduite par l’élection d’un Trump dont les soutiens comptent dans leurs rangs des individus clairement fascisants comme cela est apparu au grand jour lors de l’attaque du Capitole.

Cet article est long, peut-être trop long pour être lu par tous de bout en bout. Il est donc temps de conclure, mais très provisoirement, car cette réflexion est aussi très partielle. D’aucuns la trouveront encore très partiale, et ils auront raison ; cela ne signifie pas pour autant qu’elle soit mal fondée.

Qu’une partie importante de la population d’un pays en vienne à investir par la force des lieux de pouvoir comme le Capitole ne doit donc pas être considéré comme un évènement ponctuel que les déclarations irresponsables de Donald Trump auraient suffi à déclencher. Les racines de ces désordres sont évidemment plus profondes comme nous venons de le voir. Ces racines du mal se sont développées sous les effets conjugués d’institutions qui sont loin de répondre à toutes les exigences d’un système authentiquement démocratique, d’inégalités de moyens dont disposent les parties en présence pour s’adresser aux électeurs et surtout du modèle néo libéral dont les effets destructeurs se font sentir dans de nombreux domaines, sociaux et environnementaux, notamment.

Mais que disait-on de la démocratie dans NÉMÉSIS ? Voici un extrait de la page 278 :

…un monde aussi inégalitaire que le nôtre n’est pas compatible avec l’exercice d’une authentique démocratie. Nous touchons là un problème qui semble très difficile à résoudre : puisque l’accès à des fonds importants apparaît comme la condition nécessaire pour emporter une élection à un niveau national, comment peut-on envisager qu’un candidat ou un parti qui conteste à l’argent son pouvoir puisse mener campagne contre ce pouvoir tout en sollicitant d’importants fonds électoraux ?

Bertrand