Le Symbolisme en poésie: La joue ou le vent ?
Si vous souhaitez connaître ma vision de la « poésie symbolique » et ce que j’appelle « poésie multidimensionnelle », je vous invite à lire le premier article de la catégorie (poésie symbolique) qui s’intitule » Créativité le Féminin de l’être ».(version 1)
Poésie Symbolique: Par ces articles mon intention est de fournir au lecteur une « grille de lecture », pour qu’il puisse aller plus facilement au-delà de la première impression. Je fais deux « paris »:-que la source de l’inspiration est ce que je nomme « Le Féminin de l’être ».– que la poésie peut être une voie de connaissance ou même une voie initiatique pour le lecteur comme pour l’auteur (cela va de soi!).
Voici un extrait d’un article d’Éric Baret intitulé « La vigilance, une non-pratique », paru dans « Sources » n° 33 :
« Lorsque le vent caresse votre joue et que votre chien vous demande « Que ressentez-vous ? La joue ou le vent ? » la réponse dépend de la subtilité du chien. S’il est simple, on va lui dire « le vent ». S’il est plus spirituel, on va lui dire « la joue ». Mais si le chien a une vision métaphysique, il comprendra qu’on ne sent ni la joue, ni le vent, qu’en réalité, il y a ressenti sans vent, ni joue. C’est la pensée qui crée la notion de joue et de vent, alors que l’expérience est Une. »
Essayons de cheminer ensemble à partir de cet extrait. Que représente d’abord le chien qui pose les questions ? Sans doute le mental. Poser des questions, c’est chercher par des réponses à figer, objectiver le réel, pour qu’il cesse de nous intriguer, nous déstabiliser. Qui est celui qui répond au chien ? N’est-ce pas lui qui fait l’expérience ?
Celui qui répond prétend pouvoir évaluer le « chien » : simple, spirituel ou ayant une vision métaphysique ! Il s’évalue donc lui-même ? Une partie du mental (est-ce la conscience ?) prend du recul par rapport à l’expérience et suggère une réponse, suivant trois niveaux (conscience ordinaire, conscience spirituelle ou vision métaphysique). Seule la Conscience de l’Instant Vécu peut réunir à la fois la vision intérieure (dialogue avec le mental) et la vision extérieure (l’expérience).
Si le « chien est simple », la réponse donnée est « le vent ». « Simplicité » signifie plutôt dans cet extrait, primauté donnée à l’extérieur de soi. La réalité (l’expérience) est alors supposée « objectivable ». Vision masculine ?
Si le « chien est spirituel », la réponse donnée est « la joue ». « Spirituel » pour l’auteur de l’article signifie primauté donnée à l’intérieur de soi. La réalité est alors « subjective ». Vision féminine ?
Si le chien a une « vision métaphysique », il va alors comprendre tout seul – le mental le peut-il sans aide ? – qu’il y a seulement ressenti et que l’expérience est Une.
À partir de cela, je voudrais vous donner ma propre « vision », non pas « métaphysique » mais « poétique ». Car pour moi, la poésie peut-être un moyen de dépasser la vision dualiste de l’expérience, par l’apport du symbolisme. Le symbolisme, étant le langage du monde intermédiaire, entre le monde de la conscience ordinaire, duelle, et le monde du Sens pressenti et non-dévoilé.
Quelle réponse donnerai-je au chien ?
« Il y a rencontre, contact entre la joue et le vent. Si cette rencontre est vécue dans la Conscience Éveillée, alors la joue devient La Joue et le vent devient Le Vent. Cette rencontre est Expérience Unitive. »
Comment la joue devient-elle La Joue ? Je pense ici, à ce vers d’un poème de Rimbaud :
« Je laisserai le vent baigner ma tête nue. »
La tête est souvent « nue » et la joue encore plus, même si nous sommes vêtus comme au cœur de l’hiver ! La joue est ce qui demeure au contact de l’extérieur. Ce petit morceau de peau nous relie à notre vulnérabilité. La Joue est le symbole de notre vulnérabilité face à la nature, c’est-à-dire, face à l’aspect incontrôlable de l’existence.
Comment le vent devient-il le Vent ? La nature, mais aussi notre nature intérieure ignorée, est représentée ici par l’élément le plus fluide, le moins visible, le plus « insaisissable ». Le Vent symbolise notre sensibilité, notre intuition (contact avec l’invisible) ?
Comment l’expérience banale devient-elle expérience Une ?
Revenons au poème de Rimbaud : « Je ne parlerai pas, je ne penserai rien/ Mais l’amour infini me montera dans l’âme. » La sensation et son support physique ne sont pas dissociés, ni effacés, et pourtant le poète vit la plus belle expérience d’unité ! Pourquoi ? Parce que le mental est momentanément absent !
Le Ressenti, est donc le Lien Conscient entre un « nous dissocié » (le vent ou la joue) et un « nous-même unifié » (le Vent ET la Joue dans le même instant).
Où est le symbolisme ? Dans le ressenti conscient, les éléments dissociés de l’expérience (le vent ou la joue) deviennent des éléments associés qui prennent SENS. Lorsque les « deux » sont unis, le « troisième » nait !
Ils deviennent la Joue et le Vent, symboles du Vivant qui est UN en toute circonstance, qui ne peut-être ou « objectif » ou « subjectif », mais qui EST.
Et puisqu’il s’agit de parler de poésie, voici ce que l’expérience banale me suggère :
Cheminant ce matin
Au hasard des rues
La brise heurta
Ma joue
D’un baiser frais
« Brise ! Que viens-tu
Me dire ainsi ?
De quel sommeil
Viens-tu m’éveiller ? »
Le ressenti est Eveil.